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Commerce de surplus, commerce de survie : les échanges entre l’Acadie et l’île Royale

Voulant compenser pour la perte de la pêche sédentaire de la morue à Terre-Neuve, dont le sort fut scellé à Utrecht, la France choisit l’emplacement de l’île Royale afin d’y reconsolider ses pêcheries. Suite à l’édification de la forteresse de Louisbourg, une partie du corps administratif et militaire de Port-Royal, de même que quelques artisans, arrivent dans la jeune colonie. Puis, de 1714 à 1730, une soixantaine de familles viennent se rajouter à ces habitants, s'établissant majoritairement à Port Toulouse. Estimée à 1 500 habitants en 1715, la population de l’île Royale double en moins de dix ans et la moitié de celle-ci s’adonne aux pêcheries.



Le dynamisme acadien dans le commerce maritime n’est toutefois pas le seul fait de Louisbourg. En effet, y participent les Acadiens de l’île Royale ainsi que ceux qui vivent en Acadie anglaise. La liste des 200 bateaux de caboteurs acadiens en Amérique du Nord, pour la période antérieure à 1758, atteste de la vitalité du commerce intercolonial. Le cabotage, c’est-à-dire le transport des surplus destinés à l’exportation (produits forestiers, céréaliers, pêcheries, pelleteries, etc.), donne naissance à de nouvelles activités économiques en Acadie, longtemps passées sous silence dans l’historiographie.

Les caboteurs acadiens misent sur certains trajets, qu’ils exploitent avec succès, tel que l’axe triangulaire Annapolis Royal – Boston – Louisbourg. Ces embarcations fournissent une bonne partie de l’approvisionnement de Louisbourg puisque les navires de France et d’ailleurs ne peuvent accoster au port en raison de ses eaux peu profondes. Pour la mener à bon port, la cargaison de ses navires est donc chargée dans de petites embarcations acadiennes.

De plus, dès la fin des années 1730 et pendant toute la décennie suivante, les Acadiens de la Nouvelle-Écosse procurent chaque année à Louisbourg et à l’île St-Jean approximativement 600 à 700 bêtes à cornes et plus de 2 000 moutons. En retour, les Acadiens de l’île Royale leur offrent du fer, de la toile, du canevas, du drap de laine ainsi que du rhum, de la mélasse, du vin et du brandy. Les rapports annuels des archives notariales pour les années 1730 et 1740 confirment qu’en moyenne 6 à 10 embarcations acadiennes rejoignent Louisbourg et ce, sans parler du cabotage clandestin. Il semble que cette période de prospérité acadienne fut grandement liée au cabotage, ce trafic ayant permis de pallier aux insuffisances. Un administrateur anglais admet d’ailleurs, en 1743, que sans la viande fraîche importée clandestinement par le cabotage acadien, Louisbourg aurait crevé de faim à plusieurs reprises dans le passé 1 .

En effet, François Du Pont Duvivier, qui détient le monopole de l’approvisionnement de la forteresse en viande avant la chute de Louisbourg, doit faire appel aux commerçants acadiens Joseph LeBlanc, dit Le Maigre, Nicolas Gauthier , Joseph Dugas, Pierre Allain et Prudent Robichaud pour subvenir aux besoins de la colonie. Ces derniers vont ainsi fonder leur prospérité économique sur l’écoulement du bétail des Mines et de Cobeguit. Durant la campagne de 1744, Duvivier sera lui-même accusé d’être plus intéressé par le commerce « de barriques de mélasse et d’eau de vie » que par les stratégies militaires.









1 A. Shortt, Currency, Exchange and Finance in Nova Scotia, 1675-1758, tiré de Régis Brun, Les Acadiens avant 1755,
  Moncton, 2003, p. 76.



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Source : Équipe de production