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L’Acadie des vents et marées: les débuts de la colonisation à l’île Saint-Jean


D’abord nommé Abegweit par les Mi’kmaqs, c’est-à-dire «bercée par les vagues», l’île Saint-Jean est longtemps connue sous cette appellation par les pêcheurs basques et bretons qui fréquentaient ses côtes et ce, bien avant que l’île n’apparaisse sur la première carte de la Nouvelle-France dressée par Samuel de Champlain en 1612. L’île, à cette date, avait cependant déjà été revendiquée au nom du roi de France par Jacques Cartier, qui y avait fait escale en 1534. Toutefois, ce n’est qu’après la perte de l’Acadie et de Terre-Neuve, en 1713, que la France organise son projet de colonisation de l’île. L’effort de colonisation de l’île Saint-Jean est grandement lié à celui de l’île Royale d’ailleurs, où le manque de terres fertiles pose problème. Les Français vont miser sur l’île Saint-Jean, où la terre semble plus féconde, pour attirer les Acadiens et renforcer la présence française sur la côte atlantique.

C’est d’ailleurs en 1719 que débute l’expérience française à l’île Saint-Jean, alors que le comte de Saint-Pierre obtient de Louis XV la concession de l’île Saint-Jean, de l’île Miscou et des îles de la Madeleine « pour y établir des habitants et une pêche sédentaire de morue ». Afin de se procurer les fonds nécessaires à la réalisation de ce projet, le comte de Saint-Pierre, soutenu par de riches spéculateurs, fonde la Compagnie de l’Isle Saint-Jean et recrute ensuite quelque 300 colons français prêts à s’installer à l’île. Accostant en août 1720, ces colons fondent Havre-Saint-Pierre, établissement de pêche, et Port Lajoie, pour y cultiver la terre. Suite à l’endettement de la Compagnie toutefois, la France prend en charge l’entreprise de colonisation et y envoie, en 1726, un petit détachement armé en provenance de Louisbourg. Malgré les efforts de colonisation de la France, la population reste clairsemée: 297 résidents permanents y sont dénombrés en 1728, en plus de quelques pêcheurs saisonniers. De plus, les fléaux qui détruisent les récoltes des habitants insulaires dès les premières années de la colonie sont de nature à décourager l’émigration acadienne. Voyons justement, grâce à l’extrait qui suit, les obstacles à la colonisation qui persistent pour les Français et ce, même à Port Lajoie, pourtant désigné comme établissement principal. Le gouverneur Louis Duchambon (1737-1744) fait part de ces difficultés dans une lettre au Ministre des Colonies, datée du 2 octobre 1737:

À l’égard des habitans, je ferai mon possible pour y en attirer autant que je le pourrai car ceux qui sont au Port Lajoie, il n’est pas la peine d’en parler à l’exception de la famille des Gallans qui composent quatre maisons, il n’y en reste plus. Ils ont abandonné ou abandonnent parce qu’ils y meurent de faim et je ne puis concevoir comme on a choisi cet endroit pour y faire l’endroit principal de l’établissement puisqu’il est vrai que c’est la partie de cette [île] la plus infructueuse pour les terres et où on ne scaurait faire la pesche…

Quant aux colons établis à l’île Saint-Jean avec l’espérance de tirer profit de la pêche, ils font aussi face à de nombreux embarras, tel que l’indique le commandant de Pensens, prédécesseur de Duchambon, dans une lettre au Ministre des Colonies, en date du 5 mars 1732:

Quoique la pesche y soit bonne et beaucoup moins couteuse qu’à l’Isle Royale, néanmoins les pescheurs ont eu jusqu’à présent beaucoup de peine à se tirer d’affaire par le deffaut d’ustenciles de pesche. Depuis 2 ans, il est allé dans ce port [Havre-Saint-Pierre] un batiment chaque année: mais pressés par la nécessité les habitans ont souvent acheté leurs denrées de moitié plus cher qu’a Louisbourg, ce qui les mettait hors d’état de payer leurs dettes, et même d’avoir des vivres pour nourrir leurs familles pendant l’hiver.

Source: Georges Arsenault, Les Acadiens de l’île, Moncton, Éditions d’Acadie, 1987.




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Source : Équipe de production