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La presse acadienne à l'Île-du-Prince-Édouard

Jusqu'en 1893, c'est du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse que les Acadiens de l'Île-du-Prince-Édouard reçoivent leur journal, soit le Moniteur, le Courrier ou l'Évangéline. Le premier journal acadien de l'île sera l'Impartial, fondé à Tignish par l'instituteur Gilbert Buote 50. Ce dernier, de retour chez lui après une dizaine d'années d'absence et constatant la grande anglicisation de ses compatriotes, décide de publier un journal dont le premeir numéro sort le 22 juin 1893. Le nom choisi veut affirmer son indépendance des partis politiques. Il avertit cependant que dans la lutte électorale, il s'alignera "du côté de la nationalité", puisque son objectif est "l'avancement de la cause acadienne dans l'ordre social, intellectuel et moral 51". Cette impartialité est cependant prise à défaut en 1896, lorsqu'il se range du côté du parti conservateur au moment de la crise des écoles du Manitoba, puis avec le Parti libéral à partir de 1904. Son compatriote Henri Blanchard justifie ces décisions de Buote en affirmant qu'elles étaient nécessaires pour assurer au journal le minimum de ressources essentielles à sa survie. Il écrit: "Nous sommes certains [...] que si les messieurs Buote avait (sic) pu assurer la vie de leur journal sans ces évolutions, jamais ils n'auraient consenti à abandonner leur indépendance des partis politiques." Quoi qu'il en soit, ajoute-t-il, le journal en a beaucoup souffert, ces réalignements politiques lui ayant fait perdre successivement des abonnements des partisans libéraux, puis des partisans conservateurs 52.

Buote tente de mettre en pratique la devise de son journal: l'Union fait la force et essaie d'amener les Acadiens de l'île à se doter d'institutions propres à assurer leur développement. Dans son ouvrage: les Acadiens de l'Île-du-Prince=Édouard, Georges Arsenault parle de la création de l'Impartial comme de l'événement marquant de la dernière décennie du XIXe siècle pour les Acadiens de cette province. Il explique: "l'Impartial sert [...] de forum public où les lecteurs les plus instruits échangent leurs idées et se critiquent publiquement 53". Une de ces idées, soit la création de l'Association des instituteurs acadiens lancée par Buote dans son journal, s'est matérialisée au grand bénéfice de l'éducation et de la survivance acadiennes, puisqu'elle sera l'organisme principal de la collectivité acadiennes insulaire jusqu'à la fondation de la Société Saint-Thomas-d'Aquin en 1919.

Après avoir lutté pour la survie du journal, François Buote, qui a succédé à son père à la direction de l'Impartial, doit se résigner à en suspendre la publication en juillet 1915 à cause de conditions difficiles, encore aggravées par la guerre. Il


50. Georges Arsenault, "Gilbert Buote", article non publié écrit pour le Dictionnaire biographique du Canada. On y lit que Gilbert est le fils de François Buote, lui-même premier instituteur acadien de l'Île.
51. L'Impartial, 22 juin 1893, p.1.
Henri Blanchard, "la Fondation de l'Impartial", l'Évangéline, 10 avril 1947, p.4.
Georges Arsenault, les Acadiens de l'Île-du-Prince-Édouard, 1720-1980, Moncton, Les Éditions d'Acadie, 1987, p.157.
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Source : DAIGLE, Jean (dir.). L'Acadie des Maritimes : études thématiques des débuts à nos jours, Moncton, Chaire d'études acadiennes, 1993, 908 p.