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AOUAINDRE
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APLANGIR

çais avait avaine et aveine du latin avena, mais je ne trouve aouaine dans aucun auteur ancien. Pourtant les Acadiens ont apporté ce mot de France. Comment le v de avena se prononçait-il à Rome?

   AOUAINDRE ou AWINDRE. Aveindre. Tirer un objet du lieu, haut ou bas, où il se trouve: aouaindre des draps serrés dans une armoire; aouaindre un plat du buffet. Le v se prononce comme le double v (w) anglais, ainsi que nous venons de le voir dans aouaine; «J'ai laissé chouar le mousquet dans le foussé. / Je fallu ban à me rompre le cou pou l'allé ravouindre». (2e Conférence). Ce mot remonte très haut dans la langue.
   Rabelais fait aveindre presque synonyme d'atteindre. On aouaint une chose plutôt difficile à atteindre ou à tirer du lieu où elle se trouve placée. Nous donnons à aouaindre le sens que l'on donne à avirer en Anjou.
   Les étymologistes ne sont pas d'accord sur l'origine de ce mot. Plusieurs le font venir de advenire ou de venire; quelques-uns de abemere; d'autres de avellere; d'autres, enfin, du néerlandais vangen. C'est alfana venant de équus et qui a «beaucoup changé sur la route». La présence d'un w (nous disons awindre) laisse supposer une provenance saxonne, peut-être germanique.

   AOUT. Se prononce ao par nos anciens.
   Nous faisons ce mot de deux syllabes malgré Vaugelas qui enjoint de ne lui en donner qu'une. L'Académie dit qu'on prononce souvent oût.
   Notre manière n'est pas le produit de la graphie; elle remonte aux origines de la langue où le mot s'est écrit aost et aoust (s muet). Août vient de Augustus. Comment prononçait-on la diphtongue au dans Augustus, à Rome? Très probablement aogoustous, au donnant à peu près le son du ou dans loud, en anglais. Palsgrave nous dit que de son temps, fin du XVIe
siècle, le mot se prononçait âô à Paris. C'est exactement la prononciation acadienne et, je pourrais ajouter, berrichonne. On dit encore mi-a-out, trois syllabes en français: «Après le dix août superbe, ou dans la brume, / Sous le dernier éclair le dernier trône fûme». (HUGO, Toute la Lyre, [Poésies]).
   Août, ici, a deux pieds métriques. C'est ce qu'il avait aux origines de la langue et qu'il a encore en Berri, en Bourgogne et dans presque tout le centre de la France. Les Provençaux disent comme nous âo qu'ils écrivent aost.

   APENT. Appentis. C'est un petit bâtiment à un seul toit, appuyé ou penté sur un gros bâtiment, grange ou hangar: «Il me donna une salle, trois chambres, une cuisine et encore un apant pour mes jans». (Rapporté par Godefroy). On trouve aussi dans la très vieille langue: appentes et appendis. Appendaria dans Du Cange.

   APERCEVANCE. L'Académie donne le mot, mais avec la remarque qu'il est peu usité. Il l'est beaucoup parmi les Acadiens, où il conserve l'antique signification qu'il avait en France: S'il est venu, je n'en ai pas eu d'apercevance; La première apercevance que j'en ai eu, il était parti. On disait aussi: J'ai eu apercevance de rien. La perte de ce mot est regrettable. Montaigne l'emploie: «Les sens sont l'extrême borne de nostre appercevance». On le trouve aussi dans la Chirurgie de H. de Mondeville et ailleurs.

   APIDER. Lapider. L[e] l, je ne sais pourquoi, est tombé. Ne s'emploie qu'au figuré: Se faire apider, c'est se faire malmener.

   APIQUER. Dresser verticalement, mettre à pic: apiquer un mât, un poteau de télégraphe, une échelle.

   APLANGIR. Aplanir, niveler. Le substantif plange, d'où le verbe a été




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.