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ARRIÈRAGES
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ARRIVER

   Ce verbe est souvent neutre, en Acadie, là où il est pronominal à l'Académie: Il a arrêté chez nous en passant; Voulez-vous arrêter fumer?; Il a passé devant la maison sans arrêter.
   Dans l'ancienne langue, et même au XVIIe siècle, l'on disait plutôt comme nous: «Le cardinal Baluc qui peu y aresta». (COMMYNES); «Puis guères n'aresta que son amy n'est arrivé». (Perceval); «Nous ne voulons point arrêter». (BOSSUET, [La] Politique [tirée des propres paroles de l'Écriture sainte], IX, I); «Arrêtez donc Seigneur». (CORNEILLE, Othon, I, 4).
   Arrêtez-vous donc veut dire cessez donc; arrêtez-vous, cessez; il est arrêté, il est malade.

   ARRIÈRAGES. Arrérages. On disait excellement arrièrage en ancien français. Ce mot est formé sur arrière. La langue a conservé arrièrer, arrière, derrière, arrière-banc, etc., d'où l'anglais rear (prononcé rire), arrears, rear-guard, etc. Cotgrave consigne le mot. «Ne peut demander d'arrièrages». (Coutume de Normandie); «Le droit mot est arrièrages». ([Thrésor de la langue française de] Nicot); «Si donc, si celuy qui devoit estre ainsi secouru demeure en arriérage». (CALVIN, Sermon sur le Deutéronome); «Faire payer tous ces arrièrages de bled». (ESTIENNE); «C'est une inconséquence de la langue de n'avoir pas, en bannissant arrière, banni aussi arrérage». (LITTRÉ).

   ARRIME. Ordre, symétrie, bon sens. Ne s'emploie guère que dans cette locution négative: Ça n'a pas d'arrime; Ce que tu fais là, ce que tu dis, n'a pas d'arrime. C'est l'équivalent de la locution française: n'avoir ni rime ni bon sens.
   Le mot semble avoir été formé sur rime, la rime; les deux mots agglutinés donnant l'arime d'où le verbe arrimer. La rime des langues du nord n'est pas le rhytmus des Latins. Il peut se faire, il est même probable, que les deux mots ont un radical commun très éloi-
gné; mais le rhytmus de la prosodie latine et la rime du vers français sont deux choses tout à fait différentes. La rime, c'est la similitude du son; le rhythme, c'est la cadence, le nombre. Les Latins n'ont pas pratiqué la rime dans la construction des vers classiques ni les Grecs; le vers rimé vient du nord. Quant au latin rima, fente, gerce, craque, il faut l'éliminer.
   Brantôme écrit rithme pour rime. Cette graphie a pu contribuer à faire confondre les deux termes.
   Pour les paysans de l'Anjou et ceux de quelques autres localités de France, rime se dit pour une rangée d'objets régulièrement disposés: une rime de fagots, de gerbes. Avec un peu d'extension, on arrive au sens que les Acadiens donnent à arrime.
   L'ancien haut allemand avait rim, aujourd'hui reim pour série, nombre. C'est apparemment un terme maritime.

   ARRIMER. Mettre en ordre, disposer avec symétrie. Aussi, réparer. De maritime qu'était originairement cette expression et qu'elle est encore à l'Académie, elle est devenue tout à fait terrestre. On arrime un objet avarié, une serrure, une horloge, voire un habit tout aussi bien que le chargement d'une goélette. Nous disons même que le temps s'arrime pour se répare, tourne au beau. Ou encore: Laissez faire; les choses s'arrimeront toutes seules. J'ai lu dans quelque auteur: «Les abeilles arriment le pollen des cellules à provisions de la rucheArrimer, s'arrimer se dit même pour se greyer, se bien parer.
   Dans l'ancien français et même au XVIe siècle, arrimer signifiait mettre en ordre, tout comme en Acadie, aujourd'hui. On dit enrimer au Berri.
   Dans Littré, arimer est un «terme d'épinglier» qui signifie: «ajuster le poinçon sur l'enclume». On dit dérimer en Anjou pour déraisonner.

   ARRIMEUR. Celui qui arrime.

   ARRIVER. Se conjugue avec




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.