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ASSÉCHER
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ASSEZ

petit assaierai ce vin». (Le Jeu de la feuillée).
   Le latin barbare avait assaiare.

   ASSÉCHER. Sécher, mettre à sec. Se dit des terrains bas et humides, qu'on draine. Pour le linge, c'est le mot sécher qu'on emploie, comme en France. «La mer, qui asseche près d'une grande demie-lieue de basse eau». (Jacques Cartier par Lescarbot); «La viande crue n'est pas toujours propre à nostre estomac, il la faut asseicher». (MONTAIGNE).
   L'expression est courante dans le centre de la France, aujourd'hui encore.
   Nos marins font usage de ce mot; il en était de même chez les marins d'empremier: «Moult vessiez nez (nef, navire) atourner. / Nez attachier, nez aancrer, / Nez assechier et nez floter». (Roman de Brut).

   ASSEMBLEMENT. Rassemblement; les deux se disent. Le français officiel a conservé assemblée.

   ASSEMBLER. Passer au faufil: assembler un habit.

   ASSERMENTER. Faire prêter serment à quelqu'un, recevoir son serment, son affidavit.
   C'est un mot de l'ancienne langue. Une déclaration assermentée est une déclaration faite sous serment. Le sens du participe passé assermenté est beaucoup plus limité à l'Académie qu'il ne l'est en Acadie et au Canada, où il reçoit toutes les applications du mot anglais sworn.

   ASSEZ. A le sens ordinaire que lui donne le Dictionnaire, mais il a aussi celui de beaucoup, énormément. C'est parfois un superlatif. Le sens superlatif de ce mot se retrouve presque partout, dans l'ancienne langue, et même chez les Latins de qui nous le tenons, mais les commentateurs ne l'ont pas toujours bien saisi. Nos gens, ici, lui conservent toujours sa pleine et antique signification, mais ils lui donnent
un accent particulier, un accent d'intensité, qui porte sur la dernière syllabe: C'est assez bon! disent-ils; il est assez mauvais! Il m'a fait assez mal! Cet enfant est assez incommode!
   Faisons à propos de ce mot une petite digression rétrospective. «C'était, nous dit Lucien Foulet (Petite syntaxe de l'ancien français) en vieux français, un mot commode, qui disait plus que poi et pas autant que molt». En Acadie, et aussi dans l'ancienne langue, et j'en demande bien pardon à Lucien Foulet, il dit plus que poi et aussi, très souvent, plus que molt (beaucoup).
   Commentant Perceveau li Gallois, M. Lucien Foulet trouve que: «Assez i ot contes et rois, ne dit guère plus que Contes et rois i ot». Oh! si. Il dit plus: assez signifie, dans cette phrase, beaucoup, un grand nombre.
   Prenons la Chanson de Roland: «Assez est mieux qu'il perdent les chiefs», lit-on quelque part. Ce passage doit se traduire par: il vaut beaucoup mieux qu'ils perdent la tête. Et encore du même poème: «Je vos durrai or e argent assez», doit se traduire par: Je vous donnerai beaucoup d'or et d'argent. On trouve aussi dans la Chanson de Roland, trop assez pour beaucoup trop. De même dans Richard le Pèlerin: «Après d'autres barnages dont il i iot assez». Assez signifie ici beaucoup.
   Un vieux proverbe français dit que: «Qui a assez d'argent a assez de parents», ici encore, assez a le sens de beaucoup.
   Le sens de assez, dans ce passage de Froissart, ne laisse aucun doute: «Si gasterent tant le pays et ardiment (brûlèrent) jusqu'à la cité de Durenne, et assez outre»: beaucoup au delà. Également dans le Roman de la Rose: «Je vous di bien qu'il i porra, / Des jeus d'Amours assez apprendre».
   «Porcs et bues (boeufs) avons assez». C'est encore par beaucoup, en abondance, qu'il faut traduire.
   On trouve mille exemples de assez mis pour beaucoup dans les anciens auteurs: «Buenes robes assez eust». Erec et Enide; «Naimes li dux a des




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.