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ATTIRANCE
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AUDIENCE

aussi comme courrouciez, pour ce que il me sembloit que il disoit pour moy atteiner». (JOINVILLE). Dans une autre partie de l'Histoire de S[ain]t-Louis, il emploie le mot attineusement.
   On trouve fréquemment dans la vieille langue, aatiner pour harceler, tourmenter, et aatine pour provocation, défi, querelle.
   On a beaucoup disserté sur l'origine de ce mot. Quelques-uns le font venir du provençal atahinar, chicane; d'autres, de l'hébreu. Aatine ou astine se disait pour haine aux XII et XIIIe siècles. At, en ancien norois était, paraît-il, synonyme de provocation. D'où qu'il vienne, le mot me paraît joli, avec une allure toute française.

   ATTIRANCE. Qui attire.

   ATTISÉE. Ce joli vocable signifie flambée, petit feu dans l'âtre faire une attisée, faire une bonne attisée. On dit aussi: Apporte-moi une attisée de bois, c.-à-d., du bois pour faire une attisée.
   Les Normands ont conservé cette expression.

   ATTISONNER. Formé sur attiser. Le mot est dans Cotgrave.

   ATTOQUER ou ATOQUER. Appuyer, accoter (voir ce mot). Nous disons au figuré: Il a l'estomac bien atoqué pour: il a bien mangé. Les Canadiens disent dans le même sens: Il est toqué. C'est le même mot apparemment.

   ATTRAPE. Le mot à l'Académie ne se dit que pour tromperie. Il est ici d'un emploi bien plus général et bien plus compréhensif.
   Au propre, il signifie trappe, piège, engin de chasse. Ce que René Bazin, dans je ne sais plus lequel de ses romans, appelle casier à homard, nous l'appelons attrape à homard. Ils disent une cage à homard, aux Îles-Madeleine.
   Nous avons l'attrape à rats, à ours, à foutreau; bref, tout piège est une
attrape. Formé sur trappe et fort en usage dans l'ancienne langue.
   On ne s'explique guère la mauvaise fortune de ce mot quand on énumère les emplois que l'Académie donne à attraper, forme verbale de attrape, et aussi dans ses composés attrape-mouche, attrape-nigaud: «Que nulz ne fasse atrappes, estraeurs, clôtures de bouquiers, fors de bon et léal mairien», (Ordonnance, rapportée par Godefroy).
   Attrape, c'est la trappe avec l[e] a de l'article agglutiné au substantif: a-trappe.
   Lutter à attrape-qui-peut, c'est lutter au catch-as-catch-can anglais. Les Canadiens disent: attrape-comme-peut.

   AUBARGE. Auberge. C'est l'un des mots — et ils sont très nombreux — où a est mis à la place de e, devant la voyelle r: «En leur hébarges». (CHRISTINE DE PISAN, Chartres, v. II, 33).

   AUBEL. Aubier. (On dit aussi aubour en France). Bois blanc qui entoure le coeur de l'arbre. [Le] Dict[ionnaire de] Borel le fait venir de albaturum.

   AUCUN. Le mot a plus d'extension ici qu'à l'Académie: «J'irai vous voir en aucun temps que vous me direz», m'écrivait une personne à qui je demandais de venir me rendre visite. Il a souvent le sens de quelques-uns, au pluriel. Nous disons avec Lescarbot: «Aucuns d'eux portent comme des chapeaux et guirlandes»; ou encore du même auteur: «En d'aucuns endroits ilz n'ont autre gîte que la terre». Avant Lescarbot, H. Estienne écrivait: «On voit bien qu'aucunes précédentes aussi sont hyperboliques»; «Et y lient aucunes plumes des ouaiseaults». (CARTIER); «Car en sa grâce espérez / Qui en aucun temps vous vendra». ([Le Livre des] 100 ballades).

   AUDIENCE. Nos journalistes disent souvent audience pour auditoire




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.