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BAGNE!
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BAILLARGE

énergique que ses équivalents français.
   Bâdrer est d'origine celtique ou saxonne. Les Anglais ont pris leur temps avant de le reconnaître officiellement. Avant d'entrer dans leurs dictionnaires, le mot avait longtemps couru parmi le peuple. Il est arrivé au centre de la France tout défiguré de forme, et de sens presque méconnaissable.
   Ceci est pris d'une chanson jersiaise: «Qu'i sont heureux les vieux garçons! / I n'ont ni éfants, ni maisons, / Ni femm's à leur bâdrer la tête!»
   Dérivés: bâdrant, bâdreux.

   BAGNE! Onomatopée. Bruit d'un objet sonore qui tombe ou qui est violemment frappé.

   BAGOU. Devrait s'écrire bagoul, [le] l ne sonnant pas. Bavardage peu bienveillant. Mot cité par Du Cange, conservé en Berri. L'argot en a fait un nom propre signifiant un grand parleur.
   Est formé, vraisemblablement, sur battre et goule. L'on dit: se battre la goule ou la gueule pour parler inconsidérément.
   Cotgrave traduit bagois, qui est une forme de bagou, par «gibridge, strange talk, idle talk».

   BAGOULARD. Bavard assommant. Le suffixe — ard est un péjoratif. L'on dit bagoutier quelque part en Normandie.

   BAGOULEMENT. Bavardage.

   BAGOULER. Bavarder ou plutôt bavasser. Nous disons aussi débagouler, mot que l'on trouve dans Furetière. «Tu vas voize queme je débagousse». (Conférence de Janot et Piarot Doucet). L'on dit bagouiller pour mâcher ses mots en Anjou. On trouve: «Il ne faut rien débagouler», dans l'Ancien Théâtre français (IX, p. 87). Le mot se traduit par bagoliâner ou bagoulâer en Vendée.
   L'argot s'est emparé de ce vocable.
   Rapporté par Godefroy: «Mengeassons qui ont le talent de bagouiller plus haut qu'tout l'monde».

   BAGUENAUDER. S'amuser à raconter des choses frivoles. Le mot est dans [le] Trévoux.
   Quoique condamné au XVIIe siècle, comme bas et déjà vieux, par les grammairiens et le Conseil des Quarante, le mot se trouve dans la dernière édition du Dictionnaire de l'Académie. Nous l'employons couramment: «Passer les journées à baguenauder». (LESCARBOT); «Fust (fut-ce) en baguenaudant, fust sérieusement? (BRANTÔME, Discours sur les duels); «Parmi tant d'admirables actions de Scipion l'ayeul, il n'est rien qui lui donne plus de grâce que de le voir... baguenaudant, amasser et choisir des coquilles, avec Laelius son ami intime». (MONTAIGNE).

   BAIGNET. C'est beigne que l'on entend au Canada, mais on dit aussi beignet puisque le surnom, un peu flatteur, est resté aux habitants de je ne sais plus quel village, peu éloigné de Montréal.
   On fait des beignets de carnaval en Lorraine.

   BAILLARGE. Orge. Les Acadiens n'ont pas créé ce mot; ils l'ont apporté de France, où il était d'un usage presque universel autrefois. On l'entend encore dans divers départements de la République, notamment dans ceux du Midi et de l'Ouest.
   Baillarge (bailhargia) est dans Du Cange. Cotgrave définit le mot: «A kind of small barley». Godefroy en rapporte plusieurs exemples. La Curne [de Sainte-Palaye] relève de la Coutume générale: «Tiers froment et baillerge et avoine». Ménage a trouvé dans le 1er Scaliger: «Ballearicum Nordeum apud Columellan. C'est notre baillarge», ajoute-t-il. Je lis dans Jacquou le croquant, ouvrage contemporain: «Quelques mesures de seigle ou de baillarge».




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.