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BONDÉ
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BORD (À)

de Sévigné dans la phrase suivante: «Vous êtes trop bonne de vouloir me donner la joie d'y avoir fait mon personnage».
   Suivi de pour, avec le sens de solvable, de bon garant, que nous lui donnons, c'est un anglicisme. Il est bon pour cent piastres; Il est bon pour la dette qu'il vous doit: He is good for one hundred dollars.

   BONDÉ. Nous avons accommodé ce terme maritime aux choses de terre, et lui donnons le sens de plein, rempli: La salle était bondée de monde; La charrette était bondée de sacs.
   La langue officielle en a fait abonder.

   BONJOU. En Bray, l'on chante, la veille des Rois: «Bonjou, les Rois, / Jusqu'à douze mois! / Bonjou, la Reine / Bonjou, l'crapou (crapaud) / Jusqu'au mois d'août».
   Nous faisons sentir l[e] r final de bonjour. Si je rapporte ici le mot, c'est que, rencontrant un jour un Sauvage des îles Manitoulines, dans l'Ontario canadien, il me salua très courtoisement par un Bonjou! Bonjou! C'est le mot bonjour, entendu de la bouche des anciens missionnaires, qu'il avait retenu. Il est resté la formule de salutation parmi les aborigènes des îles du lac Huron. On prononçait bonjou dans l'ancienne langue. Peut-être aussi en Acadie.

   BONNE-À-BONNE. Au jeu de carte: manche à manche.

   BONNEMENT. Précisément, au juste: Je ne sais pas bonnement ce que vous voulez dire; «Il ne sçavoit bonnement que répondre» (DES PÉRIERS); «Autrement il ne pourrait bonnement sortir» (BRANTÔME, «Bayard» [Vies des hommes illustres et des grands capitaines]); «Je ne puis bonnement m'accorder avec lui». (LESCARBOT); «Voilà Mme la Duchesse qui me gronde, sans savoir bonnement pourquoi». (SÉVIGNÉ).
   L'Académie dit que le mot a vieilli
en France. Il est toujours jeune en Acadie.

   BONNERI. Oiseau de neige aux Îles-Madeleine.

   BONNET CARRÉ. Barrette de prêtre.

   BONTÉ. «La bonté d'la terre est partout». (NIGOND). Les Acadiens disent cela aussi.

   BORD. Mot d'origine germanique, pris à la langue maritime par les terriens. Voici des acceptions qu'il reçoit dans le parler des Acadiens et, je puis ajouter des Canadiens, et que je ne trouve pas à l'Académie: Bord, côté de maison, pièce, chambre; prendre du bon bord: la bonne direction; Se reculer d'un bord: se ranger d'un côté; Le grand bord d'une maison: la pièce principale, ce que les Canadiens appellent la grand'chambre ou encore le beau-bord.
   «Les jeunesses n'osaient plus aller veiller, ni voir les filles de ce bord-là». (BARBEAU, Anecdotes [populaires du Canada, Journal of American Folklore, vol. 33, no 129, 1920]): de ce côté-là; «L'armée anglaise se bat du même bord que nous». (FÉVAL, Châteaupauvre).
   Ceci est encore une de nos manières de parler: Tiendre (tenir) son bord: se bien défendre; Viens de mon bord: de mon côté; Le vent est du bord de l'est: du côté de l'est; Le bord du sud, du nord, d'un terrain: le côté sud, ou nord; Le vent est du bon bord: dans la bonne direction; de bord en bord: de part en part, d'outre en outre. [Exemples]: La balle lui a traversé le bras de bord en bord, le grain est mouillé bord en bord.

   BORD (À). En deux mots. Autre terme maritime, a été transporté à terre où il reçoit diverses applications. Nous montons à bord d'un train (voir embarquer) comme on monte à bord d'un navire.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.