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CANADA
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CANISTEAU

été formé. Camp est plutôt un terme militaire. Les Anglais ont élargi et étendu le sens de camp; en plus d'un camp militaire, il est devenu un lieu d'exploitation forestière. Le camp est proprement une maison construite, quelquefois de planches, mais le plus souvent «pièce sur pièce», où les bûcherons se réunissent pour prendre leurs repas et [se] coucher. Les Canadiens ont adopté ce sens, en l'étendant davantage; mais ils ont fait de camp (le p sonne) un substantif féminin: une campe. Les Acadiens ont fait comme leurs cousins canadiens; seulement au lieu d'une campe, ils disent un camp.
   Dans certaines villes de l'Asie, le camp est le quartier où les étrangers viennent faire le commerce. Camp est la forme picarde de champ.
   Le mot s'est conservé en Berri, où il signifie loge. Nous disons, et l'on dit aussi, je crois, en France, d'une personne d'aspect athlétique, qu'il est bien campé sur ses jambes.

   CANADA. Avant la Confédération des colonies anglaises de l'Amérique septentrionale, le Canada proprement dit, à savoir l'Ontario et la province de Québec, était une expression géographique tout à fait distincte des provinces dites maritimes: le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard. Nous allions au Canada, comme nous allons aujourd'hui, aux États-Unis. Pour les vieillards, le pays de Québec est toujours le Canada. Ils vont au Canada comme Jeanne d'Arc, la bonne Lorraine, allait en France sous l'inspiration de ses voix.

   CANAL. Ce qu'on appelle en France une rigole, nous l'appelons un canal. De fait, le mot canal a conservé, dans les provinces du centre de la France, le sens que nous lui donnons toujours, mais non pas chez les écrivains.

   CANALER. Canaliser, faire des rigoles.
   CANAOUICHE. Camarade en langue huronne. Dans certaines parties du pays de Québec, le mot est employé familièrement dans ce sens.

   CANCEAU. [Aujourd'hui canso]. C'est ainsi que se nomme, présentement, le détroit qui sépare la Nouvelle-Écosse, proprement dite, d'avec le Cap-Breton. Il s'appelait détroit de Fronsac, sous la domination française. Le mot est d'origine souriquoise: camsok ou gamsok signifiant en face d'un rocher élevé.

   CANEÇON. Caleçon. Cet échange entre deux consonnes faibles, l et n, de caleçon et caneçon remonte assez haut dans la langue.
   On entend encore caneçon, non seulement dans le centre de la France, d'où les Acadiens ont pris le mot, mais jusqu'en Normandie. «Plusieurs Parisiens prononcent caneçon», nous dit Ménage (XVIIe siècle). Nos aïeules n'en portaient pas s'il faut en croire H. Estienne: «Les femmes ont — commencement du XVIIe siècle — commencé à porter une forme de haut de chausses qu'on appelle des caleçons». Caneçon est un mot picard.

   CANETTE. On dit pour amuser les enfants, en leur pinçant le bout du nez: La canette a-t-y bu? Canette est le diminutif de cane, femelle du canard.

   CANILLER. Se mettre à l'abri pour se reposer.
   Le radical de ce mot est canis, chien (voir décaniller).

   CANISTEAU. Les Acadiens ont apporté ce mot de France et en ont quelque peu changé le sens. Au sud de la France, c'est un panier en usage chez les pêcheurs. Il signifie ici un soulier sauvage, en peau non tannée, fait avec le jarret d'un chevreuil ou d'un jeune boeuf, le poil en dehors. Le mot s'entend en Suisse, en Normandie. On le trouve dans Mistral. Borel le fait venir de l'arabe zambellot.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.