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CANTINE
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CAPE

chanteau de pain béni) qui ne puisse se réclamer de cant. Le chanteau de pain était, originairement, un morceau additionnel que le boulanger posait de cant pour parfaire le poids. C'est d'un chanteau de pain que les chrétiens communiaient antérieurement au XIIe siècle, époque à laquelle remonte l'introduction de l'hostie.
   Le pain béni était découpé par chanteaux, morceaux posés de cant (ou de champ), et distribués aux fidèles par une personne désignée à cette fin.
   Cette belle et pieuse coutume, commémorative des premiers siècles de la chrétienté, n'existe à peu près plus. Elle s'est conservée, en Acadie, jusqu'à ces derniers temps.

   CANTINE. Ce mot, qu'on retrace bien loin, ne s'entend plus en Acadie que d'une boîte en fer blanc. Ce que les Acadiens du Nouveau-Brunswick appellent un canistre, can en anglais, ceux des Îles-Madeleine l'appellent cantine.

   CANTON. Aux Îles-Madeleine, tout groupe de trois maisons et plus est un canton.

   CAPABLE. Nous disons d'une femme débrouillarde, ingénieuse, pleine de ressources, bonne ménagère: c'est une capable.

   CAPE. La coupe de la cape a quelque peu changé depuis la cappa romaine, qui était un manteau avec capuchon, jusqu'à la cappe acadienne, qui est une sorte de redingote. La forme de la cape, chez les Canadiens, rappelle davantage celle des Romains.
   Le mot peut se retracer au fil des siècles; il est plus difficile de faire l'exacte description de la chose qu'il désigne chez les différents auteurs. Le Roman de Renart nous raconte que: «Dès or gard bien chascun sa cappe». Cette cappe était-elle celle qu'on trouve dans Aucassin et Nicolette?: «Estoit affublés d'une cape à deux envers»; ou celle dont parle Elie de
S[aint]-Gilles (v. 1258?): «Il desfuble se cape, d'une part l'a jeté».
   Comment était faite celle dont parle Joinville: «Et ne li fu demouré de tout son harnois que sa cape». Et cette autre dont certains des héros de Rabelais, dans Gargantua, «se couvroyent comme d'une cape à l'hespaignole?» Et celle-ci, tirée de la Franciade (livre I) de Ronsard: «Premièrement sa chemise vestit, / Puis son sayon; puis ça cape tracée / A fil d'argent, sur l'épaule troussée».
   Il y en avait d'autre sorte puisque Rabelais parle, quelque part, de combat «à la cappe».
   Toutes ces cappes diffèrent, à n'en pas douter, de celles que portaient les «baboins capetés», dont il est question dans Montaigne, lesquelles étaient des petits manteaux ornant les épaules des écoliers du Collège de Montaigu à Paris. Celle-ci était la capelle, manteau court, la même dont il est souvent question dans les vieux auteurs. Je ne rappelerai pas ce vers de Baïf: «Les ânes s'affublent de chapes (capes)».
   La chape, aujourd'hui, s'entend particulièrement d'un vêtement ecclésiastique, long manteau sans pli, agrafé par devant, que porte le célébrant qu'il soit prêtre, évêque ou cardinal.
   Ménage nous apprend que la cape (XVIIe siècle) était «une sorte d'habillement en usage en Béarn, pour les hommes et les femmes». Les hommes seuls portent une cape, en Acadie.
   [Un] certain manteau porté par les Anglaises s'appelle cape (prononcé képe). C'est probablement la cape des Béarnaises.
   Nous appelons aussi, en Acadie, cape, la capsule d'une arme à feu. Ce mot nous vient de l'anglais et a pour radical capsula, diminutif de capsa, caisse.
   Rire sous cape ou sous chape, comme on disait autrefois, comme Molière lui-même l'a dit (Tart[uffe] 1-4), c'est rire, sa cape, sa chape, son capuchon




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.