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COMPORTEMENT
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CONJUGAISON

   Jacques Cartier (1534), avant de partir pour son 1er voyage, prête serment, ainsi que son équipage, devant messire Charles de Loüy, «de bien fidèlement se comporter au service du Roy très chrétien». Le mot conserve ce sens à l'Académie.

   COMPORTEMENT. Conduite, bonne ou mauvaise; manière de se comporter. L'Académie dit qu'il est vieux. En France, peut-être, mais non pas ici.

   COMPOSTE. Mélange de fourrage vert constituant un engrais organique.
   Ce mot est de formation récente parmi nous. Nous l'avons pris de l'anglais, qui le tient de l'ancien français, compost, formé lui-même du latin compostus ou compositus.

   COMPRENABLE. Compréhensible. «Dignité incirconscriptible, à sens humain non comprenable». (CHRISTINE De PISAN, [Livre des faits et bonnes moeurs du roi] Charles V); «Par mervellous et niant conprénuavle sacrement». (S. BERNARD).

   COMPRENURE. Entendement, intelligence: Il n'a pas de comprenure, de compréhension, il est presque idiot.
   Les Berrichons disent comprenouère et les Normands comprenture. On dit aussi entendouaire en Berri.

   COMPTE (Faire son compte de). Se proposer de: «Ils font leur compte qu'ils seront lundi à dîner à Rouvroy». (SÉVIGNÉ). Cette location est d'un usage universel ici.

   COMPTER. J'ai entendu: Comptez-vous qu'il fait beau, pour quel beau temps il fait! Se proposer, avoir le dessein de faire une chose, comme dans ce passage d'une lettre de Mme de Sévigné: «Il compte de pouvoir partir demain». (Antol., VII, 452). Ce dernier emploi du verbe compter est général en France aussi bien qu'en Acadie.
   COMPTOUER. (Prononcé contoué). Comptoir «S'y advint à une feste que trois grand dames se seoient sur un comptouer et parloient de leurs bonnes aventures». (LA TOUR).

   CONDUIRE. Ce verbe se conjugue, ici, comme il se conjuguait autrefois en France. Ainsi nous disons, au prétérit: Ils conduirent, au lieu de, ils conduisirent, comme le veulent aujourd'hui, les grammairiens.
   «Ilz lui baillèrent deux chevaliers du pays qui les conduirent vers le lieu». (ARRAS, [Roman de] Mélusine).

   CONDUITE. S'entend aussi pour économie domestique: Il est à l'aise, mais aussi sa femme a de la conduite. Madame de Sévigné, dans une de ses lettres, dit à une amie: «Vous avez de la prudence, de la conduite».

   CONJUGAISON. L'ancienne conjugaison des verbes, celle en tout cas qu'on trouve au XVIe siècle, s'est perpétuée en Acadie dans la plupart des cas.
   Dans les infinitifs en -ir, le r final était à peu près tombé en France au XVIe siècle. Il ne se fait guère entendre en Acadie.
   Le passé simple: j'aimai, je fus, nous fûmes, vous allâtes, est totalement inconnu ici; c'est le passé indéfini: j'ai aimé, j'ai été que nous employons.
   Les verbes de l'ancienne langue avaient, le plus souvent, chez le peuple, leur prétérit en i: «Je lui demandis s'il avait presché». (FAVEL); «Dont me trouviz au large». (MAROT); «Il vesquit quelque six semaines». (LESCARBOT); «Présagit, arrachit, ventit, d'estrempit, tombit». (RABELAIS); «Il avoit mandé... k'il venist». (VILLEHARDOUIN); «Il m'embrassa, je me fâchis; / Il redoubla, je m'appaisis». (La Rencontre, Chanson); «Elle se retournit, un soufflet lui donnit». (Complainte normande).
   Nous conjuguons comme tout ce monde-là.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.