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CUIRE
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CUL

que donnent certains arbres». (Dict[ionnaire] de l'Académie). Ici le mot s'entend pour la récolte en général: le temps de la cueillette; faire une bonne cueillette; il fait un beau temps pour la cueillette.
   L'application que nous faisons des mots cueillette et cueillir s'est faite en France, depuis les origines de la langue. Cueillir, au XIIIe siècle, se disait pour récolter, cueillette et cueillée pour moisson. Recueillir a aussi signifié récolter. On a même dit: la cueillette des impôts.
   «Venu le temps de la cueillette», nous dit Rabelais, dans Pantagruel: et Cotgrave traduit une bonne cueillette par: «A plentiful harvest. Plenty of corn and of all fruits»; «La mestive et cueillette des grains ou blés». (Coutume générale, rapporté par La Curne [de Sainte-Palaye]); «Avant la cueillette des fruiz... des grains». (Rapporté par Godefroy); «Cueillette: Récolte des blés, des fruits». ([Dictionnaire de] Richelet). On a dit aussi cueillée en vieux français et, au XVIIe siècle, recueillir pour cueillir. J'ai trouvé queilloite quelque part. Du latin colligere.

   CUIRE. S'emploie absolument, comme dans ce passage de Maria Chapdelaine de Louis Hémon: «Avez-vous cuit?» dit Nazaire Larouche à sa belle-soeur, pour avez-vous faire cuire le pain? On dit de même, en France: «Comme nous ne pouvions pas cuire, il nous fallut aller emprunter tourte à la Mion de Puymaigre». (Jacquou le croquant). L'Académie admet l'emploi de cuire, absolument.

   CUISSIÈRE. Une cuissière de culotte, c'est la partie du pantalon qui va du genoux jusqu'aux reins.

   CUL. Postérieur, derrière, fond.
   C'était presque un mot de bonne compagnie dans l'ancienne langue, où il avait la signification que nous lui donnons encore, quelquefois, comme en témoigne cul-de-lampe, cul-de-
jatte, culotte, basculer, etc. Le mot était admis même dans le style noble: témoin ce vers de Roquez (Miroir de l'Éternité): «Tournait à Jupiter le cul, espaule et dos». La même expression se trouve dans Brantôme: «Il (François 1er) tourna le cul à M. de Bourbon».
   On trouve ce mot dans la bouche des dames de la haute noblesse; il se lit dans le Blason des Armes et Dames de la cour de Charles VIII. Madame de Sévigné l'emploie: «Je suis persuadée que la plupart des maux viennent d'avoir le cul sur la selle». Il va sans dire que Rabelais fait de ce mot ses beaux dimanches.
   Par contre, M. de Voltaire se voilait pudiquement la face devant son indécence. Il voulait supplanter cul-de-sac par angisporte. Avant lui Philinte [Le Misanthrope], de Molière, trouvait que c'était un mot «sale».
   Les paysans du Berri appellent aujourd'hui dent du cul, la dent du fond de la bouche, la dent de sagesse. Avoir un cul terreux se dit encore, en France, pour être riche en fonds de terre. Au temps de Cotgrave (fin du XVIe), on appelait battecul le long voile que portent les nonnes.
   Ce mot, jusqu'à la génération qui vient de disparaître, est resté honnête en Acadie, quoiqu'il ne fut pas employé aussi libéralement qu'il l'était en Touraine et en Berri lorsque les fondateurs de l'Acadie en sont sortis. Nous avons conservé sacculot, bascul, etc.; un village du Nouveau-Brunswick s'appelle Cul-de-Sac. Lorsqu'il nous arrive de donner un coup de pied dans le derrière de quelqu'un, c'est au cul que nous disons. Un cheval lève le cul quand il rue et, se lever le cul le premier, c'est se lever de mauvaise humeur.
   Mgr Angelault, nous dit A. J. Verrier [et Onillon], dans son Glossaire [des patois et des parlers] de l'Anjou donnait la confirmation à A... Quelques moments avant de conférer le sacrement, il dit aux enfants qui étaient à genoux, de sa voix très douce et très




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.