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DÉBARRIS
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DÉBIFFÉ

   DÉBARRIS. Ceinture de glace qui part du rivage et s'étend à une certaine distance au large. Aussi appelé bordage. [voir ce mot].

   DÉBATTRE. Nous disons: le coeur me débat, pour bat violemment dans ma poitrine.

   DÉBAUCHE. Chômage, abandon du travail: Demain sera jour de débauche. Un jour de pluie est un jour de débauche en Acadie. Les dimanches et les jours de fête le sont aussi. Les Berrichons et les Tourangeaux disent comme nous. La signification dépréciante que le mot débauche a prise dans la langue officielle vient, sans doute, de ce que les jours de débauche, les ouvriers profitaient du chômage pour s'enivrer, faire la débauche, enfin. Le primitif de ce mot est bauche, qui s'est dit originairement pour atelier. Une bauche, chez les Canadiens, c'est ce que les Acadiens appellent un coup de collier; donner une bauche, c'est faire un effort pour terminer une tâche. En Anjou, une bauche c'est la partie d'un taillis ou d'un pré que l'on coupe dans une année, et une bauchée, la tâche de faire cette bauche.
   Les Normands donnent à bauche le sens de désolation — désolation pour avoir trop bu de cidre apparemment. Chez les Berrichons et les Tourangeaux débauche a le sens qu'il a chez les Acadiens.
   Si bauche est le primitif de débauche, quel en est le radical? M. Delâtre fait venir bauche de l'allemand balkren, une poutre, et, par extension, une construction, cela, probablement parce qu'on trouve dans les Chroniques de Saint-Denis qu'on «fist couvrir l'église de N. D. de bauche».
   Ménage le fait venir de l'italien botega et, au besoin, du grec apotheca, boutique en français. Embaucher selon lui, c'est faire entrer quelqu'un dans une boutique.
   F. Génin, (Recréations philologiques) rattache bauche au latin
moyenâgeux bauca, sorte de tuile, tenant lieu de bardeau, et lui donne pour radical bois, qui s'est prononcé tout d'abord bos. Bauche, dans une bouche des Picards, se prononce bauque, ce qui fait croire à un autre maître ès racines généalogiques [étymologiques] que le radical de ce mot pourrait bien être bûche; que débaucher, c'est cesser de bûcher. Aucun de ces radicaux n'a de lieu, comme nous disons. Le mieux est de dire que l'origine du mot reste inconnue. Le plus qu'il est permis de conjecturer, c'est qu'il se rattache, étant un mot bas, à quelque racine gauloise ou tudesque totalement inconnue des chercheurs: «Je marche sans débauche, afin d'apprendre aux gens / Ce qu'ils ont d'heures, de moments, / Pour employer à leurs affaires». (LA FONTAINE, Oeuvres inédites). On trouve embauche pour ouvrage dans [l']Oudin.

   DÉBAUCHER. Cesser de travailler: Six heures sonnent, c'est le temps de débaucher; Débauchons, il est midi. Les Saintongeais, et beaucoup d'autres en France, disent comme nous. Le mot avait, dans la vieille langue, plus d'extension qu'il n'en a en Acadie. Brantôme seul lui donne deux ou trois emplois qu'il n'a pas ici: «Lorsque le jeune Crassus... se desbaucha des troupes de César en la Gaule»; «M. de Dauphin l'osta et le desbaucha de cette infanterie»; «M. de Salvoyson se desbaucha et s'en alla à la compagnie de M. de Négrépellice, cheval-léger». On trouve dans Chapelain: «Débaucher le balancier d'une horloge»; «Il se débauche l'estomac». Benserade, son contemporain (XVIIe siècle), se lamente sur ce qui s'ensuit, «lorsque le meurtre se débauche».
   Débaucher est le contraire d'embaucher. L'un et l'autre verbe sont formés sur bauche (voir débauche).

   DÉBIFFÉ. Amaigri, dont le visage est ravagé. Est-ce un mot créé par les




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.