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DEVANTURE
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DÉVOTEUX

devanteau. Devanteau rappelle le vantail, ou plutôt la vantaille de l'armure des guerriers. Devendail, devandalt se dit en roman pour tablier. Devantail avait le même sens dans l'ancienne langue: «Elle met son devanteau sur sa tête». (Pantagruel).
   On trouve devante, devanteau, devantel et devantier dans Brantôme.
   «Ton devanteau, / Ma cuisinière. / Ton devanteau, / Est salaud». (Chanson angevine).
   En parlure maritime, un devantot est le tablier d'une voile.
   «Nous appelons proprement devantière cette sorte de grand tablier que les femmes portent à cheval». (MÉNAGE); «Son méchant devantiau déchiré». (VIIe Conférence); «Un devantal ou tablier». (Jacquou le croquant). George Sand se sert du mot devanteau dans la Mare au diable.

   DEVANTURE. Nous disons, comme à l'Académie, la devanture d'une maison. Mais le mot a d'autres applications. Par exemple, parlant d'une femme possédant un corsage abondant, nous disons qu'elle a une belle devanture.

   DÈVE. (En). Être en dève, c'est être choqué, irrité, en colère.
   On a beaucoup discuté sur l'origine de ce mot que l'Académie refuse d'enregistrer, mais qui, tout de même, court la France. Les Canadiens disent, dans le même sens, être en diable, ce qui fait que dève pourrait bien être une autre forme de l'anglais devil. Le radical de l'un et de l'autre mot est apparemment le même. Ce serait un autre exemple de ces vocables qui, partis des hauts plateaux de l'Hindoustan, ont bifurqué en route, les uns prenant par Athènes et Rome, les autres par les steppes russes et la Germanie, pour se rejoindre, légèrement altérés de forme, sur le territoire de la Gaule.
   On dit en Anjou: faire la dève, pour faire le diable. «Or, regardez la grande desverie». (FROISSART); «Tant est-il plains de desverie». (Dolopathos).
   Un commentateur de Thibaud veut que desve signifie fou; d'autres interprètes traduisent le mot par enragé.

   DEVENIR. Du latin de venire, venir de. Le mot s'entend encore en Acadie dans son sens original: Avez-vous été chercher ce que je vous ai dit? — J'en deviens, pour j'en arrive.

   DEVINAILLE. Devinette, rébus. Expression entendue aux Îles-Madeleine. «Il faut en devinaille être maître Gonin». (RÉGNIER, [Satires], «Sat[ire] X»).

   DEVINE. Énigme, rébus. A formé deviner, devineur, devinesse, devinette, puis a péri. En tout cas, le Dictionnaire n'en fait pas mention. Ce mot conserve, en Acadie, toute sa vigueur première.
   Il était encore en usage au XVIIe siècle: «Je ne suis ni sorcière, ni devine», dit une héroïne de Scarron. Ici, devine est le féminin de devin. Le vieux français avait a devine.

   DEVINETTE. Diminutif de devine: petite énigme, rébus.

   DÉVIRER (Se). Se retourner. Se revirer, est tantôt verbe neutre et tantôt verbe actif. Comme verbe neutre absolu: Rendu au trécarré, tu dévireras à gauche; Arrivé à la bourne, tu dévireras de bord et tu t'en reviendras; Je me suis déviré pour le voir; Il se dévire vers moi et me dit...; Le manche de mon pic se dévire; Dévire-toi de mon côté; Dévirer bout pour bout; «Ils se desviront de moy». (ARRAS, [Roman de] Mélusine).
   Quelques exemples de dévirer, employé comme verbe actif: dévirer une pierre, la tourner de l'autre côté; dévirer ses poches, pour les tourner à l'envers; dévirer la bûche de côté; dévire le bateau du côté du havre.

   DÉVOTEUX. Dévotieux.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.