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DISABLE (PAS)
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DOLENT

   Parce que nous conjuguons disez, au présent de l'indicatif, nous n'en parlons pas moins patois, puisque l'Académie le décrète ainsi.
   Les anciens Français de France sont allés plus loin que nous dans les voies du solécisme: témoin La Fille du comte de Pontieu, où l'on trouve: «Vous me desites que vous estiés quens de Pontieu».
   Au pluriel, le substantif dires signifie: histoires, racontars: N'allez pas croire à ses dires.
   Dire, dans les locutions: Il n'y en a pas, pour dire; Je ne lui en ai pas donné pour dire, signifie pour ainsi dire, pour la peine d'en parler.
   Ce n'est pas pour dire est une autre locution du parler des Acadiens bien comprise en France, quoique l'Académie ne la relève pas.

   DISABLE (Pas). Qui ne peut être dit; qu'il ne convient pas de dire. Cette histoire n'est pas disable.
   Le vieux français avait disable pour exprimable.

   DISPENSATION. Dispense. Les deux se disent. Dispensation est un vieux mot français que les Anglais ont conservé. Peut-être est-ce d'eux que nous le tenons directement. Dispensation est à l'Académie, mais avec un sens tout différent.

   DISPUTER. À l'Académie et dans le monde savant, disputer c'est être en débat, avoir contestation. Ici, aussi bien qu'au Canada, c'est gronder, tancer. Se disputer, c'est se chicaner. Se faire disputer, c'est se faire gronder, réprimander. Nos disputes n'ont rien de commun avec celles des maîtres de la Sorbonne.

   DISPUTEUX. (Pour disputeur). Qui aime à gronder; qui est d'humeur querelleuse.

   DISQUALIFIER. Terme de sport que les Français de France aussi bien que les Canadiens et nous avons pris aux Anglais.
   DISSIPÉ. Dans le langage des écoliers, dissipé se dit pour remuant, espiègle.

   DISSIPER (Se). Se dégourdir, se distraire, se délasser, prendre un léger exercice hygiénique: marcher pour se dissiper; «Il faut promptement que je me dissipe». (SÉVIGNÉ).
   La signification de ce mot était flottante à la fin du XVIe siècle, comme on peut le voir par les citations suivantes: «Vous le trouverez fort dissipé, divisé et fané». (BRANTÔME, [Vies des dames illustres], «Isabelle d'Autriche»); «Ma vue se confond et dissipe». (MONTAIGNE); «L'Europe étant de guerres dissipée». ([DU] BELLAY, Mémoires). La plupart de ces acceptions sont à l'Académie, pas toutes cependant.

   DIVISE. Séparation, partage. Se disait devise dans l'ancienne langue: «Quant aucun viaut aveir devise de terre à son veisin, il deit venir devant le seigneur», etc. (Assises de Jérusalem). On trouve devise pour partage dans [le Roman de] Guillaume de Dôle (v. 1914).
   Les Canadiens disent la divise des terres.

   DIVORCE. Au figuré, chicane, dissension: Elle a mis le divorce dans sa nouvelle famille.

   DOCTEUR. Se dit constamment pour médecin.
   L'Académie trouve que, dans ce sens, le mot est familier.

   DODICHE. «En sauvage, dodiche ou todiche désigne toute espèce de jupon pour les enfants. C'est un mot qu'on entend cent fois par jour sous la tente». (LACASSE, o.m.i.).

   DOLENT. Triste, affligé, plaintif, en langueur.
   L'Académie nous dit qu'on n'emploie guère ce mot que par moquerie. En France, peut-être, mais non pas en Acadie.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.