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DOUCIN
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DOUTANCE

ceptez cependant quelque... de douceurs». Corneille était du XVIIe siècle, siècle où Port-Royal fut fondé, et Lescarbot écrit de Port-Royal même.
   Plusieurs auteurs, appartenant à l'ancienne langue, donnent au mot douceur le sens qu'il a conservé en Acadie: «Et leur apportait-on des villages environ toutes choses de doulceurs, fruits, beurres, laitages et autres choses». (FROISSART, Chroniques).

   DOUCIN ou DOUSSAIN. Crue des eaux, au printemps. Eau salée, mélangée d'eau douce, qui s'épend sur la glace, après une haute marée. Se dit, je crois, dribe en Berri, mais le mot doucin s'y entend encore.
   Il y a, en Normandie, des familles du nom de Doucin. L'un des dix-sept Compagnons de Dollard des Ormeaux s'appelait Doussin.

   DOUELLE. Douve de tonneau. Voici ce qu'en dit Ménage: «Douelle de tonneau, de pipe, etc. Les douelles, comme on dit en Anjou, ou les dovelles, comme on prononce en Basse-Normandie, sont des ais plats dont la rondeur du tonneau est composée».
   Godefroy rapporte plusieurs exemples de ce mot, pris dans les anciens auteurs: «Bois marin pour fonds et douilles de cuves et tonneaux», ajoute-t-il.
   C'était aussi un terme de maçon, en vieux français; il se disait de la coupe des pierres à faire des routes.
   On trouve douelle, douille, deule, deuille, deulhe dans l'ancienne langue.

   DOUILLE. Partie concave grâce à laquelle certains instruments s'adaptent l'un dans l'autre. Le dessus d'un fer de rabot s'appelle aussi la douille. Même sens en France, quoique un peu différent à l'Académie.
   Nous disons qu'un instrument est usé jusqu'à la douille pour complètement usé: être à la douille, rendu à la
douille, c'est, au figuré, être à bout de ressources.

   DOUILLET. Se dit surtout pour frileux, sensible au froid, quoique comme en France, il signifie aussi sensible à toute douleur, tendre.

   DOUILLETTE. Édredon, ce que les Anglais appellent comforter.
   En France, aujourd'hui, la douillette est un vêtement de soie ouatée qu'on met par-dessus les autres l'hiver.

   DOUILLETTER. Avoir pour quelqu'un des attentions, des soins excessifs: On se douillette soi-même.
   Douilletter un enfant, c'est l'élever dans de la ouate.

   DOUNER (Se). Un père se donne à ses enfants lorsqu'il fait la donation de ses biens, à condition qu'ils l'entretiennent jusqu'à la fin de ses jours.
   Se vendre à très bas prix: Les patates se dounent cette année.
   Être contagieux: La maladie qu'il a se doune, c.-à-d., s'attrape, est contagieuse.
   Nous prononçons douner comme nos aïeux de France: «Il se douna au service du Temple un an». (La Fille du comte de Pontieu, XIIIe siècle).

   DOUTANCE. Léger doute, soupçon, méfiance. Nous avons le mot doute, également; doutance est un diminutif, un moindre doute: J'ai une petite doutance de ce que vous voulez de moi.
   On ne s'explique guère comment l'Académie a pu laisser tomber ce joli mot sonore, quand on le trouve sous la plume de presque tous les écrivains d'empremier: «Là où les saints trembleront en doutance, / Devant Celui pour qui rien n'est secret». (QUESNE [CONON] DE BÉTHUNE); «Par la trémor et par la doutance (l'appréhension) de l'empereur Alexis». (VILLEHARDOUIN); «Parguié, maugré votre assurance / Si vous aviais queu-




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.