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DOUTE
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DRAGON

que doutance». (SARCELLES, 1ère partie, p. 116); «Sainz Alexis est el ciel senz doutance». ([Vie de saint] Alexis); «Hors de crainte et de doutance». (DES PÉRIERS, Poésies, p. 118); «Arrivons-nous od grand doutance». (BENOÎT, Chronique); «Si que l'on est en dispute et doutance». (MAROT); «Je suis en doutance». (DESCHAMPS, [Poèmes], Ballades, vol. VIII, p. 194); «Comment osa tant Dieu despire / Qu'il li dona tel prescience / Qu'il n'en set riens fkors en doutance». (Roman de la Rose, v. 1737-9); «S'elle (si elle) euyde avoir sans doubtance / Sur le petitoire apparence». (COQUILLART, [Le] Plaidoyer); «Sans doutance / J'avoie eu eulx alléjance». (La Panthère d'Amour, v. 1635); «Amis, a vo contenance / Sans doutance / Voyez bien, etc.» ([Le Livre des] 100 ballades, 69e); «Par quoi viens ne puet advenir / Que tu n'el'saiches sanz doutance». (Dolopathos).
   De la vieille langue, notamment dans le Mystère du Vieil Testament, dans l'Évangile de Nicodème sans parler de [Vie ou Élie de] s[aint] Gilles et de H. de Mondeville.
   En voilà assez pour donner à notre mot doutance droit de citer dans la langue française. D'ailleurs le mot se retrouve sous la plume de plusieurs écrivains contemporains qui, comme nous, se trouvent à parler patois. Paul de Kock, par exemple, qui écrit dans Paul et son chien: «J'en avais comme une doutance», et George Sand dans ses Maîtres sonneurs: «J'avais bien une doutance que ça faisait partie de la bande à l'homme noir».

   DOUTE. S'entend aussi pour soupçon. C'est le sens du mot anglais to doubt. Les Normands l'entendent comme nous. Il en est de même de douter.

   DOUX. Sucré. Nous appelons pain doux du pain dans lequel il entre de la douceur (voir ce mot).
   DOUX (Mon)! Sorte d'exclamation signifiant, mon Dieu. La locution nous vient du roman.
   Le paysan du sud de la France dit, plus souvent, aujourd'hui boun Diou!

   DOYON. Doigt de gant, étui dont on enveloppe un doigt malade.
   On entend la même expression dans plusieurs endroits de France, notamment dans le Maine.

   DRÂCHE. Résidu de foie de morue, dont l'huile a été extraite. Nul doute que drêche, marc d'orge qui a été employée pour faire de la bière, ne soit une extension terrestre de ce terme maritime.

   DRAGON. Se dit d'un arc-en-ciel brisé; c'est un signe de mauvais temps.
   L'origine de ce terme bizarre pourrait bien être ceci: Bernard l'Hermite avait annoncé la fin du monde pour le 25 mars de l'an 1000. Il n'y eut pas de fin du monde, mais des chroniqueurs racontent qu'on vit, ce jour-là, sortir d'un nuage un immense dragon.
   Le dragon joue un grand rôle dans les légendes du moyen âge. On le trouve représenté dans les bannières; il est à la poupe des bâtiments; c'est l'image d'un génie de la plus haute antiquité. Il y avait les dragons d'eau et les dragons de vent. Un dragon d'eau était une trombe: «Ce sont comme de longs tubes ou cylindres formés de vapeurs épaisses, lesquelles touchent les nues d'une de leurs extrémités et de l'autre la mer, qui parait bouillonner tout autour». (Voyage de Siam, rapporté par Littré). Richelet en donne à peu près la même définition. L'autre, le dragon de vent, c'est le cyclone, que nous appelons sorcière de vent.
   On peut, au sujet de dragon, remonter plus haut que la fin du monde de l'an 1000. Les vaisseaux non pontés qui portaient les Normands au temps de leur invasions du nord de la France, furent appelés les dragons.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.