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DRIVE
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DU

   DRIVE. Dérive. Notre prononciation est celle des marins de France. Les Anglais l'ont conservée.
   S'en aller en drive. Au figuré, laisser tout aller en drive signifie en France comme ici, négliger ses affaires.

   DRIVER. Dériver. Notre prononciation est la bonne; l'autre, dériver, est livresque. Driver est un terme marin, c'est proprement, s'éloigner de la rive, comme fait une embarcation que le courant emporte: «Est deffendu à tous les battelais... de laisser driver leurs batteaux». (Coutume d'Angleterre, rapportée par La Curne [de Sainte-Palaye]).
   Les terriens se sont emparés de ce terme. Une carriole drive sur la glace lorsque le vent, soufflant de travers, la jette hors de la voie. Elle drive même sur terre, quand le chemin est glissant, et que la chaussée incline d'un côté. On dit alors que les chemins sont drivants.
   Driver dérive du verbe latin devirare, à ce que prétendent les étymologistes. Ça se peut. Mais il peut également venir des langues du nord, du vieux saxon drillan, du vieux norse [norois] drifa, du vieil anglais drifan ou du vieux danois drive. On n'est jamais sûr de rien dans la recherche de la paternité, même dans celle des mots.

   DROGUER. «On drogue les pièges ou les attrapes à martre avec de l'huile..., le jus de pomme et le rognon tondreux du castor», nous dit M. de Puyjalon, en parlant des pêcheurs de la côte nord du Saint-Laurent.

   DROITURE (En). En ligne droite, en raccourci: prendre un chemin de droiture; venir en droiture. Cette expression, très française et faisant image qu'on trouve dans Bossuet, dans Voltaire, dans J.-J. Rousseau, est à peu près tombée en désuétude, quoique le Dictionnaire l'autorise. Elle a plein cours parmi les Acadiens.
   DRÔLE. Ce mot reçoit parmi nous toutes les acceptions qu'on lui trouve à l'Académie, et quelques autres bien nuancées. Nous disons: C'est drôle que je ne l'aie pas aperçu pour c'est étrange, c'est étonnant; Ceci n'est pas drôle, allez! pour, ceci n'est pas matière à rire; Cet homme-là, ce n'est rien de drôle, c'est un pas grand-chose.
   Petit drôle se prend en bonne part: Viens ici, mon petit drôle. Se dit pour amoureux: Elle est avec un drôle.

   DROSSES. Les drosses sont les criblures, les vannures, ce qui reste après [le] vannage du grain. Le mot n'a rien de commun avec la drosse, terme maritime, ni quant à l'origine, ni quant à la signification. Nos drosses, comme presque tous les mots qui désignent les travaux se rapportant à la culture de la terre, ont une origine celtique ou tudesque. Drescan, en haut allemand, se disait pour ce qu'on rejette en battant le grain.
   Aux XIIe et XIIIe siècles, nos ancêtres appelaient drasche la balle, ce qui enveloppe le grain. L'argot appelait drone le mauvais grain. Chez messire Rabelais, c'est une fille publique.

   DU. Nous employons la préposition, ou si l'on préfère, l'article contracté du, comme l'a fait Froissart (Chronique) dans la phrase suivante: «Il trouva son gant ost logiet sour ungs plains dou (du) loncg d'une rivière»; et Molière dans Tartuffe: «Mais demain, du matin, il vous faut être habile / A vider de céans jusqu'au moindre ustensile».
   G. Sand (François le Champi) donne a du un rallongement d'application que nous ne lui reconnaissons point: «C'est une bonne affaire que nous d'en avoir tiré gros intérêt pendant du temps».
   Nous disons: Du long la maison, pour auprès de la maison; du long la rivière pour le long de la rivière: «On l'a enterré du long de la grève». (BARBEAU, Anecdotes [populaires




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.