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DUMESHUI
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DURER

du Canada, Journal of American Folklore, vol. 33, no 129, 1920]).
   Cet emploi remonte aux origines de la langue.

   DUMESHUI. Qui pourrait, tout aussi bien que deshormais, dont il est l'exact synonyme, s'écrire dumeshui. Est un terme d'un usage universel en Acadie. Désormais se décompose en des or mais, de cette heure en avant, et dumeshui en de ce jour en avant; hor, dans le premier mot, représentant hora, et hui, dans le second, hodie: de hora magis, de magis hodie.
   On disait autrefois en France demashui, demaishui, pour désormais, chez le peuple. Rabelais a mesouan; Brantôme, meshui. Joinville emploie le mot hui et jour indifféremment. Froissart écrit tantôt meshuy: «Retournez en vos hotels meshuy» (aujourd'hui) en un seul mot, et tantôt mes hui en deux mots: «Retrairez (retirez-vous) en vostre nef et ne venez mais hui à terre». Ailleurs il dit: «Je le défie de hui en avant».
   Joinville renverse la combinaison du mot: «Si ne le lessies huimais jusque à tant qu'il iest (sera) desséché». On trouve également huimès dans Garin le Loherains (T. II, p. 114). Dans Coquillart, c'est meshouen qu'on trouve. Un personnage de la Patelin [Farce de Maître Pierre] dit: «Ne me babilles meshuy de ton bè (bec) et me paye». Montaigne aussi donne meshui, mais en deux mots: «Mais-huy je ne bouge d'ici».
   «Meshui, dès-meshui... Ce mot est très doux et très agricole à l'oreille», nous dit Vaugelas. Cependant il le rejette à cause qu'il est vieux. Ces citations (j'en pourrais fournir bien d'autres) suffisent pour donner à notre dumeshui droit de citer dans la langue.

   DUMET. J'ai entendu dire dumet pour duvet. Rabelais l'a dit avant nous:
«Tout est composé de fin dumet».
   Les Poitevins, les Angevins, les Normands et, je crois, les Berrichons disent comme Rabelais et nous, dumet pour duvet.

   DUR. L'adjectif dur s'emploie souvent adverbialement: serrer dur; fesser dur; dormir dur.
   Un cheval qui se laisse difficilement contrôler avec les rênes est dur de gueule.
   Nous avons aussi dur de croyance pour difficile à convaincre, incrédule. Un dur de paye, c'est quelqu'un qui paie difficilement.
   De l'argent dur hard cash — c'est de l'argent ou de l'or monnayé. On a dit, en France, de l'argent frais pour de l'argent nouvellement frappé. En sens contraire, on trouve aujourd'hui en France de l'argent liquide. On va même jusqu'à liquider un compte.

   DURANT. L'Académie fait de durant une préposition et veut qu'on dise: sa vie durant. Nous faisons de ce mot un adjectif et nous disons: sa vie durante: Il jouira de cette rente sa vie durante. Qui a raison? L'Académie, sans doute, quoi-qu'elle dise la nuit tombante. C'est la syntaxe qui est ici mise à l'épreuve.

   DURER, DURER DE, DURER QUE. Le mot est à l'Académie, mais pas avec tous les emplois qu'il trouve chez nous. Nous disons: Le temps me dure de partir, pour j'ai hâte de partir; Le temps me dure qu'il arrive, pour il me tarde qu'il arrive.
   Nous disons aussi: Il ne dure pas à sa maison, pour il a toujours hâte d'en sortir; «Combien de temps me dure». ([DU] BELLAY, Les Regrets).
   Cette manière de parler remonte loin et haut. Plaute la connaissait: «Durare nequeo in aedibus», dit-il, dans je ne sais plus laquelle de ses comédies.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.