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ÉCARAUDER
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ÉCARTER

   Dans le beau monde, on dit aujourd'hui décolletée en parlant d'une femme. On disait évasée au XVIe siècle. L'une ou l'autre expression est plus élégante qu'écalventré, mais elles signifient la même chose: Être écalventré, décolleté ou évasé, c'est avoir la poitrine, la falle à l'air. On dit décarcassé en Anjou, décalvatré en Berri et éboudraillé quelque part ailleurs en France.
   Écalventré fait pendant à débragueté de Rabelais.
   Cotgrave traduit le mot par: Whose guts are squashed out; «Kant il seront devant cele cité, / Anjins feront tôt à lor volonté / Par coi seront li mur escreventé». (Girart de Vienne); «Tant estoient esqualventrées / C'est à dire descouvertes, / Qu'on les voyait toutes ouvertes / Jusqu'au milieu de la sainture». (Rapporté par Godefroy).

   ÉCARAUDER. V. [forme] a[ctive]. S'agrandir l'orbite des yeux en regardant comme font les chats.

   ÉCARDER. Carder: écarder de la laine; de la laine écardée. C'est la première forme du mot. Ronsard l'emploie à tous les temps du verbe: «Il faut filer les laines escardez, / Ourdir et coudre». (La Franciade, liv. III.); «Pallas pour avoir monstré l'art de filer. Escarder les toisons, ou l'huile distiller». (Idem, Le Bocage royal).
   Je trouve dans Godefroy: «Moult bien savoit couldre et escarder, pignier, carpir (charpir) et filer de laine».

   ÉCARDES. Cardes.

   ÉCARDEUX. Cardeur de laine. Cotgrave donne écardeur pour cardeur, comme mot courant au XVIe siècle.

   ÉCARDON. Laine cardée, mise en rouleau et prête à être filée: un écardon, un écardon de laine
   On dit échardon en Berri, et cardon en Picardie.
   Cardon est le doublet de chardon, dérivés, l'un et l'autre, de cardum. «Une autre forme carde, désignait, à l'origine, la tête d'une espèce de chardon très épineux, dont on se servait pour démêler la laine». (CLÉDAT).

   ÉCAROUILLER. Fatigué, appesanti: On a les yeux écarouillés après avoir trop ou mal dormi.

   ÉCART. Nous disons d'un bon patineur qui se balance élégamment d'un côté et d'autre, qu'il patine sur les écarts de ses patins.
   Aux Îles-Madeleine, un écart est une pente abrupte, une côte raide, presque à pic (voir écore).

   ÉCARTÉ. Égaré, qui a perdu sa voie. Aussi, au figuré, qui a perdu la raison: dire des paroles écartées: C'est un fou; il a des paroles écartées.

   ÉCARTER. V. [forme] a. et n. Égarer: J'ai écarté ma hache; «Eve étant écartée un jour / Dans un détour». (Chanson d'Adam et d'Eve); «Un jour qu'il s'était écarté quelque vaisselle d'argent en sa maison». (BRANTÔME, [Vies des hommes illustres et des grands capitaines], «Le Cardinal d'Este»).
   S'écarter, c'est perdre sa voie, s'égarer. L'on rencontre cette expression très souvent dans l'ancienne langue, mais elle s'est perdue parce que l'Académie ne l'a pas recueillie. Elle cite toutefois le proverbe: «Ne vous écartez pas», qu'elle interprète mal par «restez ici près».
   Nous disons: Si vous allez dans le bois, prenez garde de vous écarter. C'est apparemment le sens que Racine donne à ce mot dans Iphigénie (I, I): «Mais ne t'écarte point, prends un guide fidèle».
   Les paysans de France disent comme nous: «Il me recommanda de ne pas m'écarter» dans le bois. (LE ROY, Jacquou le croquant).
   «Écarter l'ost», que l'on trouve dans Jean Pierre Sarrasin, doit s'en-




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.