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ÉCOQUILLER
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ÉCOSSOIS

fie également couper et yscolf, écopeau.
   On trouve des pousses de cette racine jusque dans l'algonquin, où kot, kout signifie aussi couper.
   Ajustons, maintenant, nos pièces et emboitons-les l'une dans l'autre.
   En mettant bout à bout colpus-pellis, colpa-pellis, colp-pellis, cut-pellis, ajoutons-y kot ou kout-pellis, nous aurons pour chaque combinaison coupe ou cop-peau, c'est-à-dire coupeau, copeau ou écopeau.
   Mais où prenez-vous le préfixe é de écoupeau, me direz-vous? Il est de trop. C'est un intrus. D'où vient-il?
   La lettre e s'ajoute à un grand nombre de mots de la langue française, e euphonique, e adventif, formé, le plus souvent, par l'agglutination de l'article le (ou la) au substantif auquel il s'accole, et dont il ne change pas le sens: stoff, é-toffe; klancha, é-clanche; chauffaud, échafaud; changer, échanger; scarlat (persan) écarlate; clisse, é-clisse; cloper (clopin-clopant), é-cloper; crevice comme on disait dans l'ancien français, é-crevisse. Nous en avons d'autres, en Acadie, par exemple: écarde pour carde et écardon pour cardon.
   Quoi de surprenant que copeau se soit fait précéder, chez le peuple, créateur des mots harmonieux, de la prosthèse euphonique ordinaire e?
   Mais, ajoutera-t-on, vous nous faites-là, avec votre accouplement de mots celtiques et latins, un fameux barbarisme. C'est très possible, mais ce qui est vrai aussi, c'est que souvent, dans la formation de vocables français, «des terminaisons latines se sont alliées à des radicaux celtiques, des désinences celtiques se sont imposées à des radicaux latins». (CORBLET, Glossaire du patois picard). Les exemples peuvent s'en fournir par centaines. Rabelais seul eu a un grand nombre à son compte. Le latin de la décadence est émaillé de mots celtiques, scandinaves, germaniques, drapés dans des suffixes romains. Il y a plus: «Quelquefois, nous dit Darmesteter,
on ajoute à des radicaux latins ou français des préfixes et des suffixes grecs».
   Il arrive même que les mots grecs et latins s'accouplent ensemble de cette manière irrégulière et produisent des vocables qu'ensuite nous légitimons. Je n'en citerai qu'un exemple, mais très récent et de formation savante, s'il en fût, clavigraphe. Clavigraphe, comme presque tout le monde sait, est composé du substantif latin, clavis, clef, et du verbe grec graphein, écrire. La lexicologie française fourmille de mots hybrides. Écopeau en est un, selon toutes les apparences.

   ÉCOQUILLER. (La syllabe qui se mouille). Enlever la coquille: écoquiller un oeuf.

   ÉCORCHOUER. Écorchoir (prononcé écorchoué). Couteau de bois dont on se servait pour écorcher le chanvre.

   ÉCORE. Accore. Un rivage écore est un rivage escarpé en Acadie: «Sont les bords d'un banc, lesquels sont escarpés comme une muraille». (LA HONTAN); «Les écores de la rivière étaient à pic». (BARBEAU, Folklore, Gaspé).
   C'est le shore des Anglais. Du scandinave scarro. Doit avoir le même radical que accore, terme de marine, signifiant une pièce de bois dressée verticalement.

   ÉCORNIFLER. Se faufiler parmi les gens pour saisir, en espion, ce qu'ils disent; moucharder. L'Académie donne à ce mot le sens de parasite: «Chercher à manger aux dépens d'autrui».

   ÉCORNIFLEUX. Qui écornifle; mouchard.

   ÉCOSSOIS. Écossais. Ce sont les courtisans qui, pour plaire aux Italiens de la cour 4,34 — les Médicis, leurs suivants et leurs suivantes — ont, au




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.