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ÉLAVÉ
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ÉLOÈSE

élan; Restez une petite élan; Il y a une bonne élan que je ne l'ai pas vu.
   Le mot est féminin parce que l'on disait autrefois élagne.
   Les anciens avaient plusieurs expressions équivalentes à élan, tel que compris en Acadie. Pièce ou pieça (d'où l'anglais piece) est celle que l'on trouve le plus souvent chez les écrivains: «Li quens... se teut grant pièce et ne dit mot». (La Fille du comte de Pontieu, XIIIe s.); «Quand nous aurons grand pièce disputé». (JOINVILLE).
   Froissart emploie le mot espace dans le même sens: «Une espace après se leva; le roi le regarda une espace; ainsi firent les seigneurs». On dit aujourd'hui: une espace de temps.
   On trouve pose dans le Roman de Renart: «Lors séjourna... à son chastel une grant pose».
   Les écrivains modernes ont plusieurs manières de rendre l'idée de temps: «Il s'y fixe un bon moment». (BAZIN, La Vallée d'Aoste). On dit aussi une secousse: une bonne secousse de temps, prononcé escousse. Aucune de ces tournures ne me semble valoir mieux que élan, le temps de s'élancer.
   Élan signifie aussi poussée, mouvement de propulsion: Donne-lui un bon élan en partant.

   ÉLAVÉ. Qui a perdu son goût, sa saveur: De la viande élavée, viande dont le goût est fade, pour avoir été trop dessalée, pour avoir trop longtemps trempé à l'eau. À l'Académie élavé est un terme de vénérie.

   ÉLÉVATEUR. Ascenseur. Sens pris de l'anglais.
   En vieux français un ascenceux était celui qui montait à cheval, un cavalier. À l'Académie, élévateur est un terme d'anatomie.

   ÉLÈVE. Se dit surtout pour un enfant adopté: Cet enfant-là est mon élève; Ces gens-là sont bien charitables; ils ont adopté deux élèves.
   ÉLEVER. Nos pêcheurs disent avec Pierre Loti (Pêcheur d'Islande): «Le navire avait sa façon de s'élever à la lame et de rebondir».

   ÉLINGUÉ. Fluet élancé, long et maigre: élingué.

   ELLE. Pronom pers[onnel] fém. Nous disons alle pour elle, comme le peuple de France l'a dit autrefois et, dans certains départements, le dit encore.
   C'est un autre cas de la voyelle a se substituant à e devant la liquide l.
   Nous disons aussi ielle. Alle est au cas sujet, et ielle au cas régime: Alle est bonne; Donnez-la lui, à ielle.
   Le vieux français avait iaulx pour eux. Ielle est le féminin de iaulx.

   ÉLOÈSE. Éclair électrique, foudre. On trouve ce mot assez fréquemment sous la plume des grands écrivains du XVIe siècle: «Cet instant n'est qu'une éloise dans le cours infini d'une nuict éternelle». (MONTAIGNE); «Arges, élicies et aultres éjaculations éthirées». (RABELAIS, Pantagruel). Le commentateur ajoute, dans un renvoi au bas de la page: «Ce sont esclairs qui s'eslèvent soudain de quelque tonnerre... mot grec. En Poitou, on les appelle éloyses»; «Éloise: A lightning». (Dictionnaire de Cotgrave).
   Le mot règne encore aujourd'hui dans le français dialectal. On dit éloëser ou éloiser dans le Berri et la Touraine. Dans le bas Languedoc, l'ieussa s'entend pour faire des éclairs; eiloeïdou, dans l'Isère: «Dins l'ombrun de siecle transitori, / Nous laisso véire un esluci beu» (Dans la transition ténébreuse des siècles, nous laisse voir un éclair de beauté). (MISTRAL, L'Archetype); «Eloise est un vieux mot qui signifie éclair et dont on use encore, en quelques provinces de France, particulièrement en Poitou». (MÉNAGE). C'est Héloïse, la belle, la géniale épouse d'Abélard.
   D'où vient ce mot, si étrangement beau qu'il semble hiératique? On croi-




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.