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EMBARGER
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EMBERVER

   EMBARGER. Mettre en barge, en mulon: embarger du foin (voir barge).

   EMBARQUER. Proprement, monter en une barque.
   On embarque dans toute espèce de chose en Acadie: en voiture, en chemin de fer, à cheval, sur le dos de quelqu'un, même en bateau! On embarque aussi, en France, ailleurs qu'en bateau: «Le temps de rajuster les étriers à sa longueur, et il était sur le dos de la bête (son cheval) qu'il embarqua d'abord du trot, puis au galop». (BOURGET, L'Émigré). Mme de Sévigné nous parle d'un autre embarquement: «Je suis embarquée dans la vie sans mon consentement». (Lettres); Chaulieu s'embarque dans de «folles amours». Boileau «dans la nouvelle guerre», Fontenelle, «dans l'étude de Newton», et J.-J. Rousseau, dans des «réflexions philosophiques». À l'Académie, on s'embarque dans une mauvaise affaire.

   EMBARRAS. «Ce mot, dans le langage des bois, signifie des entassements d'arbres et de branches, faits pour obstruer le passage». (TACHÉ, [Trois légendes de mon pays], «L'Îlet au Massacre»).

   EMBARRER. Renfermer quelqu'un à clef, proprement, avec une barre, dans une pièce de façon qu'il n'en puisse sortir. On s'embarre soi-même lorsqu'on s'enferme en tirant la barre ou en tournant la clef sur la porte.

   EMBAUCHER. Embaucher une planche, c'est, pour un laboureur, tracer le premier sillon.

   EMBAUMER. Embaumer un ragoût, c'est l'assaisonner d'épices.

   EMBELLE ou EN BELLE. Avoir embelle à faire une chose, c'est avoir une occasion favorable de la faire.
Pour un chasseur, portée de fusil. Attendre son embelle, c'est attendre une bonne chance: J'ai eu embelle à tirer mon canard; Les canards ont passé embelle; Qu'est-ce qui t'empêche de lui en parler? Tu as embelle; Vous avez embelle, prenez-le; Tire; tu as une bonne embelle.

   EMBELZIR. Embellir. Nous disons aussi embellir. Embelzir nous vient du roman.

   EMBERLIFICOTER (S'). S'embrouiller, s'empêtrer, se blouser. C'est une expression vulgaire. Dans le pays arrosé par la Moselle, emberlificoter se dit pour enjoler.

   EMBERVER ou EMBEURVER. Métathèse de embrever, mot qui appartient à la vieille langue; imbibé, saturé d'eau, pénétré par la pluie, mouillé de part en part: Mes hardes sont tout embeurvées; La pluie a bien embervé la terre; emberver une éponge; «Abreuver, thoughly to wet or moisten; Abreuvé, wet thoroughly». (Dictionnaire de Cotgrave).
   Le très ancien français avait abreuvé et abevré: «Qu'il ne l'abeivre (la vache) ne face abevrer la matinée». (Assises de Jérusalem).
   On lit dans Rabelais: «La terre embue du sang du juste». L'italien et le portugais ont embever; le français, abreuver; le roman, embevrer. On entend, aujourd'hui, en France, parmi le peuple: embuer, abeuvrer, abeurver.
   Abeuvrer, en Anjou, signifie mettre de l'eau dans les fûts pour faire gonfler le raisin. Le bas latin avait abebrare et abeuvrare. Beuvre en Berri. «Mai Arles, grand lauroun, / Qu'a le m de embreve, embevrer, ambeivrer, embeuvrer, embeuvirons». (MISTRAL, Les Olivades).
   Le m de embrever, embevrer, ambeivrer, embeuvrer, embeurver est une consonne adventice. Ces mots ont le même radical que boire.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.