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ESCRABLE
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ESPÉRER

çais que les Acadiens répètent encore.
   En très ancien français, escouveillon, escoveillon se disait pour torchon.
   Escouvillon est le diminutif du vieux mot escouve, en latin scopa, balai.

   ESCRABLE. Altération de exécrable. Se dit d'un enfant remuant, espiègle, entermis. Il y a déjà une atténuation du sens de ce mot dans la phrase: style exécrable. Le peuple l'a atténué tout à fait en l'appliquant aux enfants.

   ESCRAMPE. Adj. Boiteux; qui marche avec difficulté: Je puis à peine avancer; je suis tout escrampe; un cheval escrampe.
   C'est le mot crampe qui, en vieux français, se disait pour contracté, raidi: «La goutte crampe est une espèce de convulsion faite d'une matière flatulente, par le moyen de laquelle, souventes fois, le col, les bras et jambes sont par une grande force retirés ou estendues, causant une extresme douleur, non toutes fois de longue durée». (PARÉ).
   Crampe est aujourd'hui un substantif: une crampe d'estomac.

   ESCRINTER (S'). S'exciter, s'agiter.

   ÉSHERBER, ESSERBER. Arracher les mauvaises herbes, sarcler, esserper. Le mot se décompose en un e privatif et herbe. Le s est une lettre adventice, introduite pour éviter l'hiatus: e-herber.
   «Eherber, sarcler un champ». (Dictionnaire de La Combe). On trouve enherber dans le Trésor [de la langue française] de Nicot, et aussi dans Henri Estienne. (DESCHAMPS, [Poèmes], 94e ballade, vol. I) emploie le mot essarté. «Esherber, To weed, rid of weeds». (Dictionnaire de Cotgrave). Il donne aussi exherber qui est la plus élégante de toutes les formes de ce mot [et] qui manque à la langue académique. Aussi les écrivains contemporains se mettent-ils en
frais de le déterrer, de l'exhumer de sa poussière.
   George Sand (Claude) est allée le chercher chez les paysans du Berri, où il est en honneur: «Gerbe! si tu pouvais dire combien il a fallu de gouttes de sueur, pour te recouvrir, te herser, te fumer, t'héserber!»
   Je trouve desherber dans plusieurs autres auteurs contemporains notamment dans Jean-Paul Hippeau, article sur Jules Renaud et son temps.

   ESPACE. Le mot est au féminin, en Acadie: une espace. Il l'est aussi chez les imprimeurs. Il l'était également, dans l'ancienne langue, chez le peuple. Plusieurs écrivains d'antan le font de ce genre: «Quant on l'eust regardé une espace, on l'osta de là, et il fut pendu». (FROISSART); Espace est féminin dans les Des quatre tenz d'aage d'ome. «A monstré combien il pouvoit / Assembler en petite espace / De beauté et de bonne grâce». (SAINT-GELAIS); «Il y a une petite espace de vuide». (DENYS, vol. II, p. 103); «Une grande espace de temps». (SAGARD, 398). Espace, masculin, a été formé sur spacium; féminin, sur spacia, pluriel de spacium.

   ESPÉRER. Attendre. Nous donnons à ce verbe plusieurs emplois qu'il n'a pas à l'Académie. Espère-moi se dit pour attends-moi: Espère-moi, tu marches trop vite; Si tu arrives avant moi, tu m'espèreras; Espérez le dîner avant de partir.
   Tout cela, c'est de l'excellent français d'autrefois: «Je vous espère». (SÉVIGNÉ); «En espérant ce mot qui petit revient». (DESCHAMPS, [Poèmes], 3e ballade); «Attendant la flotte que la France espérait». (SAGARD); «Elle espérait la fièvre». (La marquise de Créqui, Souvenirs).
   Remontant plus haut, on trouve dans la Vie de s[aint] Alexis, l'un des plus anciens monuments de la langue française: «Tan lonc temps l'ay esperat»; je l'ai attendu bien longtemps. «S'il s'agit de remonter, allons jusqu'à Pé-




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.