FLAMBE. Flamme. Cette forme est universellement employée en Acadie; le mot flamme y est inconnu. C'est que flambe appartient à la langue française depuis sa première origine: «E fous (feu) et flambes i est appareillez». (Chanson de Roland, XIIe siècle); «La flambe rendoit tiel odour». (Roman de la Rose); «D'autre part avoit un dragon / Qui... De sa gueule flambe jetoit». (Roman de Brut, vol. II, 532). «Après le feu sailli la flambe / Qui la laigne esprent et enflambe». (Dolopathos); «Buche vert, sans flambe». (DESCHAMPS, Lettre); «Que le fu et la flambe fait del marbre voler». (Elie de S[aint]-Gilles, v. 2140). Froissart écrit flambe et oriflambe: «L'oriflambe que messire Godefroi de Chargny portoit». Cotgrave a recueilli le mot. «En cette flambe par durable (l'enfer) Ni a nule gente amiable». (RUTEBEUF, [Le Miracle] de Théophile). «Comme un feu qui met tout en flambe». (MAROT). «Et ne voyoit-on autour que feu, flambe et fumée». (RABELAIS, Sciomachie). Dans un sermon de Maurice de Sully (XIIe siècle), le mauvais riche s'écrie: «Je suis crucifié ens torments d'enfer et en ceste flambe». Pourquoi la langue officielle a-t-elle flamme, au lieu de flambe? C'est que les savants sont intervenus et, quand les savants interviennent dans la formation d'un mot, c'est comme pour Sganarelle dans le Médecin malgré lui, tout est changé de place. Flambe est de formation populaire, et vient de flammula, paraît-il, un diminutif: On a prononcé, autrefois, flan-me, avec la première syllabe nasalisée, (Anglade, Grammaire). C'est ainsi que femme s'est prononcé fau-me, homme, ou-me. Tout cela, objectera-t-on, n'explique pas comment la consonne b est entrée dans ce mot. Cette consonne est intercalaire. Elle est entrée dans flambe, comme b dans humble, formé sur humiles et dans comble, formé de cumulum, etc.
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Flamme, avec deux m à la suite l'un de l'autre, produit un son dur; flambe, le second m se muant en b, donne comme un velouté au mot. Le peuple, forgeur de vocables harmonieux, prend de ces libertés quand un phonème froisse son oreille par sa rudesse et qu'il veut lui trouver une forme plus douce. On donnait, en vieux français, le nom de iris flambé au glaïeul. Dans l'argot des voleurs, une flambe est une épée, et une petite flambe un couteau. C'est sur flambe que flamber, flambeau, flamboyer ont été formés.
FLAMBÉE. Jet de flammes que projette dans l'âtre une brassée de bois sec. Joli mot qui manque à la langue académique.
FLAMBER. (voir flambe). Nous disons: flamber des yeux pour avoir les yeux flambants; Les yeux lui flambent dans la tête, jettent des éclairs; Il avait les yeux flambant de rage pour étincelants, allumés, enflammés. Se flamber la cervelle est du meilleur français. Les maîtres queux de Paris flambent une volaille; nous faisons de même. Il s'est fait flamber dans cette affaire: il s'est fait rouler. Flamber dans ce sens paraît être une expression maritime étendue aux opérations terrestres. Flamber un navire, dans la marine de France, c'est hisser le numéro du navire, comme signal de mécontentement: Ce navire est flambé. En Acadie, flamber un vaisseau, une goélette, c'est, avec une torche de mashkoui faire fondre du goudron dans les joints pour l'étancher. L'Académie donne un homme flambé, une affaire flambée, mais qualifie l'expression en disant que c'est «par plaisanterie». Le vieux français donne plus souvent enflamber que flamber: «Les tenailles de feu, les enflambés couteaux». ([D']AUBIGNÉ, [Les Tragi-
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