neur». C'est forlaquer qui serait tombé des lèvres de ces vertueux époux, s'ils avaient connu le mot, en usage pourtant dans tout le centre de la France. Forlaquer a plus de véhémence que forligner ou forfaire.
FORMAGE. Métathèse de fromage. Fromage lui-même est la métathèse du latin formaticum, dont il est formé. Chose singulière, formaticum est à son tour une interversion de lettres puisqu'on lui donne pour radical morphé, mot grec signifiant forme. Il vient directement de formare, donner une forme, le fromage se faisant dans des moules d'osier. Formaticum, c'est-à-dire, formage ou fromage, remonte aux premières origines de la langue. On le trouve dans les Gloses de Reicheneau, au VIIIe siècle. Le provençal a fermaige, ce qui est apparemment la forme la plus ancienne du mot dans le parler francien. Le français académique qui a forme, et non frome, former, formel, format, formation, devrait logiquement dire formage avec le peuple. Mais la logique est la dernière chose qu'il faille chercher dans la formation, surtout savante, des mots. On trouve formage dans Marie de France. «Et nonobstant que force gras fourmage Ce feist toujours en notre ingrat village». (MAROT, Première Églogue de Virgile). Cotgrave donne formage et fourmage. «Ce furent begniet farmaiges». (JOINVILLE); «Lambert le formaigier». (Rapporté par Godefroy).
FORMIE. Fourmi. L'origine, ou plutôt, les origines de ce mot sont curieuses à étudier. À l'Académie, la forme fourmi est masculine, et cependant il est féminin: une fourmi. Voici comment s'explique cette anomalie. Le mot populaire, dont il a été tiré, est
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formicus, ce qui donne régulièrement un formi ou un fourmi, mais dans la langue écrite de Rome, c'est formica, substantif féminin, que l'on disait. D'où la confusion pour les scribes de France, qui n'étaient pas tous de grands clercs. On trouve formi, fromi, fromis, fromiz dans l'ancienne langue. Notre mot formie vient certainement de fromica. Un e muet, ou plutôt un l mouillé très atténué, se laisse percevoir: formi-ie. Les Wallons écrivent le mot formiche; nous pourrions aussi l'écrire formille. Les Berrichons disent comme nous: une formie. Godefroy rapporte ceci: «Simple formil, inutile créature». Cette formil (l mouillé), c'est la formie des Acadiens. La Fontaine écrit le mot avec un s: «Le long d'un clair ruisseau buvait une colombe, / Quand, sur l'eau se penchant, une fourmis y tombe». Cet s est celui de formicus (les cas sujets, au singulier, prenaient un s dans l'ancienne langue), mais le genre féminin, une fourmi, est de formica. «Venant de formica, le français devrait être fourmie». (Dictionnaire de Littré). Les Berrichons, les Picards disent comme nous: formi ou formie. Chez l'habitant canadien, celui d'en bas de Québec du moins, c'est fremi. Fremi est normand, et les Normands tiennent cette forme du très ancien français: «Plustost en un tas de paille... Trouveroit un oef de fremi». (Roman de la Rose, v. 14872). Formi est devenu un terme de vénérie en France. C'est aussi le nom d'une maladie de chien: «Un mal nommé la formie». (Rapporté par La Curne [de Sainte-Palaye]). Il y a aussi le formico-leo, qui se dit également fourmi-lion. On trouve encore formiate, formicant, formivore, etc., tous mots dont la première syllable est for- et non four-.
FORMILLER. Fourmiller: «Tout formille de commentaires».
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