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FREDILLER
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FRIPER

   FREDILLER. Ou plutôt par métathèse, ferdiller. Trembler de froid. Ce mot est formé sur froid, qui se disait, et se dit encore fret en Normandie, au Canada et en Acadie.

   FREDILLEUX. Ou ferdilleux par métathèse. Frileux. Nous disons aussi fredilloux. On trouve fredilloux en vieux français. [Etienne] Pasquier donne fredilieux et fredilleux. Du latin: frigidilosus, diminutif de fridulus.

   FRÊNIÈRE. Frênaie, lieu rempli de frênes.

   FRET. (Le t sonne). Froid. Fret ou freit est un mot franco-normand, formé sur fregidum (pour frigidum), et qu'on rencontre partout où se parlait la langue d'oïl. Le oi qu'on trouve dans la langue écrite a faussé l'antique prononciation. La diphtongue oi a subsisté jusqu'au temps de Voltaire, dans un très grand nombre de mots qui s'écrivent, aujourd'hui en ai: J'avois, pour j'avais; il faisoit, pour il faisait, etc.; «Iver estaient; grand freit faisoit». (Roman de la Rose).
   Remontant encore plus haut, on trouve freiz: «Pur sun Seigneur deit hum suffrir destreiz, / Et endurer e granz chals et granz freiz». (Chanson de Roland, v. 1010).
   Il est resté de freiz, frais et fraîcheur dans la langue académique.
   Les Canadiens prononcent freitt comme nous.
   Balzac nous apprend que sous la Restauration les douairières prononçaient encore fraid pour froid.

   FRICASSÉE. Se dit, au figuré, pour une volée de coups: donner une bonne fricassée à quelqu'un.
   Nous disons aussi: On t'en fricasse! Ce qui correspond, vulgairement, à: Ce n'est pas pour ton nez.

   FRICOT. Ragoût, haricot. Le mot est à l'Académie.
   Les meilleurs fricots sont ceux que l'on fait avec du gibier de mer: canard, cravan, outarde. À défaut de gibier de
mer, on prend deux poules ou une piroune (voir ce mot).
   Le mot a toujours existé en France avec un sens ou avec un autre. Sardou en use abondamment dans Théodora: «Et ne le calomnie pas, ton fricot: il a bonne odeur» (2e tableau). Dans le département de l'Isère, on entend par fricot un homme gaillardet.
   Je me demande si la légendaire «poule au pot» de Henri IV (sous lequel Port-Royal fut fondé) ne serait pas devenue le fricot, plat national des Acadiens?

   FRICOTER. Proprement, faire une ripaille de fricot.

   FRIE. Subst. fém. Foi: Ma grand-frie d'honneur, c'est comme je vous le dis; Ma grand-frie, je te le rendrai.
   Formé sur le latin fides, foi; le r est adventice.
   Il serait assez malaisé d'expliquer pourquoi et comment un r intercalaire est entré dans ce mot. En tout cas cet r lui donne de la vigueur et du relief. Ma grand-frie est une affirmation emphatique.
   On trouve fréquemment fie, fi, fy, fique pour foi dans l'ancienne langue:
«Par ma fy, commère, je ne peuz entrer en bette». (RABELAIS, Gargantua, liv. I, chap. V).
   L'ancienne langue avait de fi, pour digne de foi: «Mais par l'estoire scay de fi, / Que nos gens furent desconfi». (Chronique historique de Philippe).
   On trouve aussi, aux origines de la langue, affier pour donner sa parole, affirmer, jurer sa foi: «Vous le me afierez, / Sur vostre foi que vous revenez». (Ordène de chevalerie).
   L'expression était encore en usage au temps de Marot qui l'emploie.
   On dit ma finte en Anjou; ma fine dans le Maine, et par ma fine en Berri.

   FRIPER. Lécher avec la langue: friper de la mélasse; se friper les babines: se pourlécher; friper la place: baiser le plancher; élégante punition de collège.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.