G. Devant les diphtongues ai et ui: (regain, gaieté, aiguille, guide) et devant u suivi de e (guette, guerre, guèpe), le g se mouille en chuintante palatale en Acadie. Il donne, devant -ueu, l'identique son produit par d devant -ieu. Les dieux et les gueux, c'est absolument le même mot pour les Acadiens, quant au son. L'un et l'autre mot se prononcent djeu ou quelque chose d'approchant, car le clavier de l'alphabet français n'a pas de signe qui le rende adéquatement. L'impuissance phonique de l'alphabet a faussé plusieurs sons de la langue; nous rendons le son de nos mots français avec les lettres de l'alphabet latin. Les mots latins, il est vrai, ont déplacé, dans les Gaules, les mots celtiques aborigènes aussi bien que les mots tudesques apportés par les Francs, mais ils n'ont pas fait disparaître entièrement l'accent particulier propre au parler de la nation conquise. Cet accent particulier, ces voix ataviques, les clercs, les seuls qui savaient écrire, les ont rendues avec des instruments de notation latine et les ont, dans bien des cas, imparfaitement rendues. Il en est résulté des sons qu'on ne trouve que dans la langue française et qui n'existaient isolément ni en Italie ni dans les Gaules: des sons anormaux. D'autre part, des sons très doux qu'on entend dans tout le centre et le sud de l'Europe, aussi bien qu'en Asie et dans les Indes Orientales, se sont faussés au contact des gutturales allemandes, intraduisibles sur le clavier français de notation. Reprenons les deux mots gueux et dieux, qui se prononcent absolument de la même manière en Acadie: djeu. Comment Dieu formé sur Deus, reproduction du grec Zeus, son
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mouillé en Grèce, apparemment aussi à Rome, se rend-il aujourd'hui dans le parler dialectal de certains départements de France, aussi bien que dans les colonies françaises d'Amérique? Comment y prononce-t-on la diphtongue gui? Nous savons que chez les Acadiens, dont le parler et les timbres sont à peu près ceux qu'on entend au Berri et dans la Touraine ou, en tout cas, qu'on y entendait au XVIIe siècle, les diphtongues et les triphtongues gui et gueu se mouillent. Voyons comment les choses se passent au Canada. Les Canadiens ont apporté de la Normandie et de la Picardie les mots et le timbre des mots particuliers à leur dialecte, lequel est d'un bon aloi français, aussi bien que celui des Acadiens. Écoutons Nap. Legendre (Prononciation canadienne), une haute autorité: «Les y se change en d et réciproquement Diyaume, Bourdignon, pour Guillaume, Bourguignon; Guyon, Guyonne et Yonne, pour Dion, Dionne; bon Guieu, guiamant, guiabe et yabe, pour bon Dieu, diamant, diable... Moitié se prononce moiquié». M. Barbeau, S. Clapin et d'autres linguistes canadiens rendent par guiabe le mot de diable, entendu de la bouche des habitants du bas de Québec. Ceux de France, qui ont voulu traduire en prononciation dialectale le mot diable et tous ceux où entrent la diphtongue gui, la triphtongue gueu et les syllabes di et ti, ont éprouvé, à le faire, les mêmes difficultés orthographiques que les écrivains du Canada et de l'Acadie. L'auteur des Conférences (XVIIe siècle) se débat frénétiquement pour rendre le mot de Dieu, tel que pro-
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