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GERCE
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GEVEUX

Hist[oire de la langue française des origines à 1900], vol. IV, p. 66).
   La galanterie n'a rien eu à voir dans le choix du genre des mots, ni en Acadie, ni au Canada. Nous leur avons tout simplement conservé le genre qu'ils avaient dans les provinces de France où nos pères les ont pris.

   GERCE. (Nous disons le plus souvent jarce). Gerçure.

   GERMON. Germe.
   Se dit des oeillets, des germes de pommes de terre que l'on découpe ou, comme nous disons, que l'on tranche pour être plantés. Il faut au moins un germon pour produire une germination.
   Égermoner, c'est enlever les germons de la plante. Le mot de germon s'entend encore aux bords de la Moselle. Les paysans de certains départements en France appellent égermage l'action d'ôter les germes des pommes de terre. On dit gernon en Anjou.
   «Tu enyvres ses ruissels et multiples ses germons et ses fruits». (Traduction du Ps[aume] 64).
   Germon est aussi le nom d'un certain poisson mentionné par Dièreville et dont je ne puis préciser l'espèce. Ganong assure que c'est le bonito, allié au dauphin: «Les germons que je voyais manger aux autres avec appétit, et que j'avais trouvés si bons auparavant, étaient devenus insipides pour moi». (DIÈREVILLE, p. 8).

   GERMONER. Pousser des germons: Les patates tranchées que nous avons mises à la cave commencent à germoner. Faire germoner des patates, c'est provoquer la pousse des germons.

   GESTE. Subst. fém. Façons, manières, simagrées: Il fait des gestes, il s'en fait attenir; Ne fais pas tant de gestes, ne fais pas tant de façons, de manières; En voilà une belle geste!, en voilà une belle action, un beau mouvement! Ceci se prend toujours en mauvaise part: Le cheval s'est laissé atteler sans
faire de geste, sans s'émouvoir; Il a payé sans faire de geste, sans récriminer.
   Faire des gestes se dit aussi pour gesticuler.
   On trouve le mot, par-ci, par-là, chez les auteurs contemporains, avec le sens que nous lui donnons: «Sa mère, en haussant les épaules, prétendait que tout cela c'était des gestes». (FLAUBERT, Madame Bovary). Mais c'est avec le sens — un sens tout particulier — d'action, d'attitude, que nous le rencontrons, aujourd'hui, dans les gazettes: Le geste de la France, devant les exigences déraisonnables des États-Unis, a paru grand; C'est un beau geste qu'il a fait là.
   Geste a conservé en Normandie le sens que nous lui donnons, ici; témoin ce dicton: «I ressemble à la Quiole; i fait des gestes».
   Ce mot est d'un grand usage dans l'ancienne langue. Nous avons les chansons de geste: la geste des Lorrains, la geste des Bretons, etc. Il y avait les poèmes de la geste du Roi, aux XIe et XIIe siècles. N'oublions pas le Gesta Dei per Francos.
   Le dernier vers de la Chanson de Roland, texte d'Oxford, se lit: «Ci falt la geste que Turoldus déclinet».
   Geste, féminin, a été formée sur le pluriel gesta; masculin, un geste, sur le singulier gestum. Antérieurement au XVe siècle, le mot s'est presque toujours écrit au féminin.

   GESTER. Faire des gestes. Gesticuler est le diminutif de gester.

   GESTEUX. Qui fait des gestes ridicules.

   GEVAL. Cheval. Dans l'ancienne langue, même à la cour, on disait jeval pour cheval, et jeveu pour cheveu. Mabillon (XVIIe siècle) écrit le mot jeval.

   GEVEUX. Cheveux. Autre substitution de g à c: «Le peuple de Paris prononce jeveu». (MABILLON, XVIIe siècle et XVIIIe siècle).




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.