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GRENOUILLES
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GRICHER

France. Les maisons des Acadiens, construites sur le modèle des maisons de campagne de France, n'ont qu'un étage ou ce que nous appelons ainsi. Le sous-sol, l'entre sol sont des termes inconnus ici. Le premier étage est l'étage d'en bas, au niveau du sol, et le grenier est l'étage d'en haut, qu'on y mette ou non le grain.
   D'ordinaire, le père et la mère couchent en bas, avec les plus petits des enfants. Les plus grands couchent au grenier.
   «Dans un grenier qu'on est bien à vingt ans!» (BÉRANGER).
   Madame de Sévigné écrit à peu près dans le même sens:
   «Je ne vois rien qui mérite que vous la lâchiez (Pauline) et l'envoyez au grenier»;
«Je m'en souviendrai, Madame, aussi bien que de votre grenier, qu'il faut appeler garde-robes». (MOLIÈRE, La Comtesse d'Escarbagnas, scène II).

   GRENOUILLES. (Prononcé guernouille par métathèse). Oreillons.
   Grenouillette, tumeur qui se forme sous la langue, est le diminutif de grenouille. L'Académie enregistre le premier mot et omet le second. Ce n'est pas le seul cas, dans la langue, où le primitif fasse place au dérivé.

   GRETONS. Autre forme de grattons. (voir ce mot).
   On trouve dans La Muse normande: «Et fondit ainchin qu'un creton».

   GREYER. Gréer, apprêter.
   Greyer la table: la dresser; La table est greyée: est dressée, est servie; Cette femme est bien greyée: bien mise; Greyez-vous pour partir: habillez-vous pour partir; Être bien greyé pour le froid: c'est être chaudement vêtu; Se greyer: c'est se vêtir, s'habiller.
   Je suis bien greyé d'attelage: J'ai tous les chevaux ou les boeufs de labour dont j'ai besoin; Greyer la maison: la monter, la meubler; Greyer une goélette: la pourvoir d'agrès et de tout ce qu'il faut pour qu'elle puisse pren-
dre la mer;
«Tu étais bien gréé de femme, Samuel». (HÉMON, Maria Chapdelaine).
   Froissart donne à appareiller le sens de s'apprêter que nous donnons ici à greyer, et Joinville de même: «En ce point que je appareilloie pour mouvoir». ([Histoire] de S[aint] Louis).
   Peut-être pourrait-on rendre par regreyer, le regreia de Mistral, dans ce vers que je tire des Olivades: «E reirian d'ou païs regreria la vertu». (Nous verrions le pays se regreyer de vertu.)
   D'où vient le mot? Comme le cheval de Ménage, il vient de loin et a beaucoup changé (de sens) sur la route. Métivier prétend qu'à l'origine, graie (d'où greyer) était «la parure matinale, l'habillement, le trousseau d'une jeune mariée». Le Héricher croit que gréer vient de agrès, en vieux français angrois, bijou. Clédat nous dit que gréer vient de l'allemand gereiten, garnir un navire.
   Brachet, Littré et Cie ont chacun leur radical. Il y en a pour tout le monde.

   GRIBOUIL. Subst. masc. Grabuge, chicane, bisbille: Ils sont partis en gribouil; Les deux familles sont en gribouil. On trouve grabouil dans Godefroy, approchant le même sens: «Elle fut très aise que soubs le grabouil et rumeur d'armes, elle fust en sureté».
   Les Normands disent gribouillis pour le diable.
   «Garbouil est la même chose que gribouil». (MÉNAGE).
   L'Académie donne gribouillie, féminin, avec un tout autre sens.

   GRICHE-POIL (À). À rebrousse-poil.
   Un griche-poil, c'est une personne revêche.

   GRICHER. Grincer ou, comme nous disons, grincher: «J'ai vue une serpent / Qui grichait des dents». (Chanson populaire); «A ce point grigna le roi des dents». (FROISSART).




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.