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JEANFOUTRE
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JEUX

et j'aimons le bon vin»; «Ce sont les mieux parlants qui prononcent ainsi: J'allons, je venons». (H. ESTIENNE).
   Je se confond tellement avec nous, qu'il va jusqu'à lui servir de pronominal: Je nous avons beaucoup amusés; Je nous croyions perdus. Sur ce je pluriel, voire collectif, il y aurait toute une dissertation psychologique à faire. C'est le moi agrandi, le moi haïssable de Pascal.

   JEANFOUTRE. Personne méprisable.

   JÉSUS-MARIA! Cette locution s'entend souvent dans la bouche des femmes acadiennes. C'est par ces mots que Jeanne d'Arc commençait la plupart des lettres qu'elle dictait. Jésus-Maria était inscrit sur son étendard. Les Acadiennes ont emporté de France cette invocation jaculatoire.

   JETER. Jeter les bans, c'est faire, en chaire, l'annonce d'un mariage: «On veut faire jeter les bans avant que les articles soient présentés». (SÉVIGNÉ).

   JETEUX-DE-SORTS. Envoûteur.

   JETURE ou CHETURE. Trame de tissage. Il y a la chaîne et la jeture dans un tissu. La chaîne, ce sont les fils tendus sur le métier; la jeture (trame) ce sont les fils portés par la navette qui croisent la chaîne et forment le tissu, étoffe ou toile: «L'en apele drap nays, à laris, le drap duquel la chene et la tissure est tout d'un». (Livre des Mestiers, 119, XIIe siècle); «Déjeture, ce que l'on jette, rebut». (GODEFROY).
   L'industrie des lainages, en France, a conservé de ce vieux mot perdu jettice: laine jettice.
   Se rattache à jeter. La trame ou la jeture se jette, avec la navette, à travers de la chaîne, qu'elle lie et tisse. (voir cheture).
   JEUNES (Petits). Garçonnets: Il n'y avait que des petits jeunes à l'assemblée; le grand monde (les hommes âgés) n'a pas voulu y aller.

   JEUNESSE. Jeune homme, jeune fille. Le mot est à l'Académie, mais avec moins d'extension qu'ici.
   Nous l'employons aussi au pluriel: Les jeunesses, pour les jeunes gens; «Que d'années la mort va ravir à cette jeunesse!» (BOSSUET, [Oraisons funèbres], «Oraison funèbre de [Henriette-Anne d'Angleterre,] duchesse d'Orléans»).    Brantôme se sert souvent de cette expression; il lui trouve même des applications que nous ne connaissons pas ici: «Les jeunesses ravies ainsi sont plus à regretter cent fois que les vieillesses qui ont assez paru au monde». ([Vie des dames illustres], «Marguerite de Navarre»); «Faire mille folies, faire mille jeunesses». (LA ROCHEFOUCAULD); «Ayant faict tout plein de petites jeunesses, voyre un peu grandes, il (François 1er) fut mis à Paris en la Conciergerie du palais».

   JEUX. Plusieurs anciens jeux de France se jouent encore en Acadie, quoique un certain nombre se soient perdus. Le sport anglais nous en fournit, aujourd'hui, le plus grand nombre.
   Aux cartes, nous avons la brisque, le trois-sept que les Canadiens dénomment le quatre-sept, le trente-et-un. Éloi d'Amerval (XVe siècle) mentionne le jeu de trente-et-ung.
   Aux dames, c'est le franc-jeu et le barreau que nous jouons. La polonaise, que jouent les Canadiens, nous est inconnue.
   Les jeunes gens — la jeunesse — ont, pour se divertir, les jeux et les amusements de France. Le saute-mouton, la savatte, la main-chaude, le colin-maillard, le court-bâton, le trictrac, la course, la lutte, la queue-d'âne, etc.
   Puis il y a les jeux honnêtes entre jeunes garçons et jeunes filles: cache-ma-balle; pigeon-vole; bonhomme, bonhomme, que sais-tu donc faire?;




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.