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LA, LE
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LAIVRIOU

vous plaît; Dites-moi, si vous plaît, si madame est en commodité d'être visible». Nous ne disons pas autrement.
   Il y avait longtemps que le l final de la plupart des mots en -il était tombé en France, lorsque Port-Royal fut fondé (1605): témoin ces vers de Rutebeuf: «Renards est mors, / Renards est vis (vivant), / Renards est hors (hideux), / Renards est vils, / Et Renards règne».
   Pour rimer avec vis, il faut que vils se prononce vis.
   Les finales en -al offrent des difficultés plus sérieuses. Il en est question au mot -al [voir -al, -au].

   LA, LE. Ces deux articles entraient, autrefois, dans la composition de phrases où ils n'entrent plus aujourd'hui. Nous avons conservé ces manières surannées. Molière écrit: «A dire le vrai». Nous disons comme lui. Les grammairiens suppriment l'article. Cependant nous n'irions pas jusqu'à dire avec Amyot: «De dix mille hommes qui demeurèrent morts en cette bataille, les trois mille étaient de Carthage». Avec l'Académie, nous supprimons les devant trois mille.
   Mais avec George Sand ([Les] Maîtres sonneurs), nous dirions: «Je serais fière d'être la cause que ce garçon», et non pas d'être cause.

   LABOUREUX. Laboureur.

   LABOURS. Nos gens disent: au temps des labours, pour au printemps; Je te paierai au temps des labours.

   LACAGE. Action de lacer.

   LACER. «Pour nos chasseurs et pêcheurs: lacer consiste à renfermer dans une grande peau, dont les bords ont été percés de nombreux trous, trois ou quatre peaux de loups marins (phoque) plus petites, puis à refermer cette enveloppe au moyen de garcilles (petites cordes) passées dans les ouvertures que l'on a aménagées, et à traîner le paquet ainsi disposé, jusqu'au
navire». (PUYJALON, Récits du Labrador).

   LAIDIR. Enlaidir. Nous disons aussi laidzir, ce qui est une réminiscence du provençal: «Je crains fort de vous voir comme un géant grandir, / Et tout votre visage affreusement laidir». (MOLIÈRE, L'Étourdi, acte II, scène V).

   LAIDURE. Laideur. Je crois avoir entendu le mot de la bouche des vieillards.
   En tout cas, c'est un mot de l'ancienne langue que l'on trouve jusqu'au commencement du XVIIe siècle. Des Périers l'emploie. Nous disons plus souvent laideur.

   LAISSE. Cessation, relâche: Il n'y a pas de laisse.

   LAIT DE BEURRE. Lait qui reste dans la baratte après qu'on en a retiré le beurre. En anglais, butter milk. Lait battu.
   Nous avons aussi le sommeil de lait pour le sommeil des petits enfants, après la tétée. On disait, en vieux français, un enfant de lait pour un enfant qu'on allaite.

   LAIVRIOU. Lait que donne une vache les neufs premiers jours après qu'elle a vêlé. Sauf la première tirée, dont on fait du flan, ce lait, considéré comme impropre aux usages domestiques, est laissé pour le veau. Le laitvriou des Acadiens a plusieurs synonymes dans les parlers dialectaux de France. Il a d'abord amouille que Littré donne comme «le premier lait fourni par une vache qui vient de vêler». En Anjou, c'est le bèquelé; à Fribourg, le béton; le long de la Moselle, le boc; dans les départements de l'est, le béjeau. En Picardie, on appelle lait camon, le lait encore chaud qu'on vient de traire.
   D'où vient ce terme insolite? Il se décompose, apparemment, en deux mots: lait-vriou. Lait, c'est le lac ou




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.