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LAMENTEUX
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LANGUIR

une lambêche d'étoffe. (voir lambriche et libêche).

   LAMENTEUX. Pour lamenteur. Qui se lamente toujours. J'ai trouvé lamenteuse dans un vieil auteur.

   LANCÉ. Se dit d'un homme légèrement en boisson: Voyez-le marcher; il est lancé.

   LANCER. Éprouver des élancements; sentir une douleur aiguë, comme celle que ferait une lancette: Le doigt me lance; Ça me lance au côté.
   Littré, au mot lancer, fait cette remarque: «C'est une faute assez commune de dire: le doigt me lance, au lieu de dire: le doigt m'élance».
   Qu'il me soit permis de différer, en ceci, d'avec le maître. Lancer existait dans la langue avant élancer, et le mot, dès l'origine, avait le sens que nous lui donnons en Acadie. C'est sur lance, du latin lancea, qu'a été formé le verbe lancer ainsi que le diminutif lancette. Élancer n'a rien à voir, en tout ceci. L'Académie donne lancinant.
   D'ailleurs, l'on dit comme nous dans plusieurs départements de la République: Le doigt me lance.

   LANCES. Aurores boréales.
   Pour les premiers colonisateurs de l'Acadie, recrutés, la plupart, dans la Touraine et le Berri, les aurores boréales étaient un phénomène nouveau. La nécessité s'imposait de leur donner un nom, comme fit Adam aux animaux du paradis terrestre. Ils les appelèrent lances, à cause des sillons lumineux qu'elles traçaient dans le firmament, tels les éclairs projetés par les lances dans un tournoi.
   Pour les Canadiens, ces lances furent des marionnettes et le sont encore aujourd'hui. Ce sont là deux termes bien trouvés, l'un lumineux, l'autre dansant; ailés et poétiques l'un et l'autre. Ils semblent avoir été créés sur place quoique Rabelais, originaire également de la Touraine, parle dans Pan-
tagruel de «fouldre, d'esclairs et de lanciz». Mais lanciz, aujourd'hui encore dans le Languedoc, est synonyme de foudre. Il devait avoir le même sens à Chinon.
   Quoi qu'il en soit, le mot lances ou marionnettes me semble préférable à aurores boréales, à moins que l'on n'établisse comme le fit Voltaire à la cour du roi de Prusse que: «C'est du nord, aujourd'hui, que nous vient la lumière».

   LANCETTE. Se dit, au Canada, pour l'aiguillon d'une guêpe.

   LANÇON. «Le lançon et autre petit poisson». (DENYS, vol. II, p. 195).

   LANDIER. «Chenet d'un foyer quelconque, et non pas exclusivement de la cuisine, comme le veut le Dictionnaire de l'Académie». Cette remarque de Jaubert s'applique au parler des Acadiens aussi bien qu'à celui des Berrichons.
   C'est ander ou andéer, du vieux français, auquel un l s'est collé, comme dans uette devenue luette; oriot, loriot; ingot, lingot; evier, levier.

   LANGUES. Être dans les langues, passer par les langues, c'est faire parler mal de soi, être l'objet de médisances. Locution vivante dans le centre de la France aussi bien qu'en Acadie et au Canada.

   LANGUETTE. Pièce d'échappement d'un piège à castor chez les trappeurs Canadiens. Le mot doit exister pareillement en Acadie.

   LANGUIR et LANGUEUR. Sont deux mots qui appartiennent essentiellement à notre poétique populaire. Les amoureux, dans nos romances sentimentales, languissent comme ceux du Grand Siècle brûlent, flambent et se consument dans les tragédies de Corneille et de Racine. Ceux-ci demandent qu'on éteigne leurs feux, qu'on couronne leur flamme. Achille,




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.