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LANQUIN
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LATTAGE

dans Iphigénie, déclare qu'il est «brûlé de plus de feux qu'il n'en alluma», à Troie.
   Nos amoureux conjurent leurs amantes de mettre un terme à leur langueur, ce qui revient à peu près au même, sauf la violence du sentiment.
   Vaugelas ne voulait pas de languir dans le sens de s'ennuyer. Les Acadiens ne l'employaient pas non plus dans ce sens-là.
   J'ai entendu cette phrase: Faites plus de feu; le pain languit dans le fourneau.

   LANQUIN. Se dit, aux Îles-Madeleine, d'une étoffe de velours rayé, autrement appelée bouringan. Lanquin pourrait être le mot nanquin, l se substituant à n, comme inversement libella a donné niveau, orphanius, orphelin.

   LAPIDER. Ne s'emploie qu'au figuré: Cessez de lapider cet homme, c.-à-d., de le persécuter, de le maltraiter. Bouhours, au XVIIe siècle, s'insurgea contre cette signification, ce qui prouve qu'elle était reçue dans la vieille langue. D'ailleurs, La Curne [de Sainte-Palaye] et Godefroy en rapportent des exemples. «Madame, c'est bientôt commencé de tourmenter un serviteur et de le lapider». (MARGUERITE [DE VALOIS, Reine] de Navarre, [Heptaméron], nouvelles).
   Je trouve le mot également dans La Fille du comte de Pontieu.

   LAPIN. Lièvre. Le lapin de France ne se rencontre pas en Amérique à l'état sauvage. Ce que les colons y trouvèrent, c'est le lièvre. Il y a beaucoup de ressemblance entre les deux, d'où la confusion des termes servant à les désigner. La confusion a commencé avec Champlain et Lescarbot qui se servent du mot lapin. Denys dit indifféremment lapin et lièvre; le Père Sagard, lapin.
   Chose curieuse, les colons anglais ont fait comme les nôtres; ils ont confondu rabbit avec hare.
   LARGE. Le mot reçoit ici les applications que lui donne l'Académie. Seulement, nous mettons quelques fois au pluriel ce que le Dictionnaire ne donne qu'au singulier. Un marin dira: se perdre dans les larges, au lieu de se perdre dans le large.
   Au figuré, un jeune homme qui regarde trop le large est ou toqué ou amoureux.

   LARGUE. Terme marin débarqué à terre: avoir du largue pour nos gens, c'est avoir de la marge; Je peux faire cette ouvrage en deux jours et j'aurai du largue; Il a passé, mais il n'a pas eu de largue. Parlant d'un commerçant: Ses affaires vont mal; il n'a pas de largue. Un ouvrier dira: J'ai travaillé toute la journée, je n'ai pas eu de largue.
   Largue est la forme dure de large: «Ayez une flotte plus forte, ayez beaucoup de large dans votre supériorité, en Méditerrannée», nous disent les Anglais. (Lu dans je ne sais plus quel journal de Paris durant la Grand[e] Guerre.)

   LARGUER. Ce terme, essentiellement maritime, est aussi débarqué à terre, où il reçoit plusieurs acceptions qu'il n'avait pas à bord. Il a conservé celui de lâcher, mais il a pris en plus celui de laisser tomber, d'échapper, de laisser aller: On largue les animaux au bois; On largue un cheval au parc; On largue quelqu'un qu'on tenait à la gorge; On largue un plat en le laissant tomber; On largue toute espèce de choses; Largue-moi se dit pour: lâche-moi.
   Ce mot avait, dès le XVe siècle, la plupart des emplois qu'il trouve aujourd'hui en Acadie.

   LARME. Prendre une larme, c'est prendre un verre de boisson, une goutte.

   LATTAGE. Action de latter. Le mot appartient à la vieille langue.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.