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LÉGÈRETÉ
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LEVER

croyance». (LA FONTAINE, [Fables], Les Filles de Minée). Avant La Fontaine, Ronsard avait écrit (La Franciade, liv. IV): «Il ne doit croire aux flatteurs de léger»; et Eust. Deschamps ([Poèmes], «Ballade CCXXXII»): «On se déçoit par légièrement croire». La Tour dit: «Comme font maintes simples femmes, qui croyent de légier les folz».
   Le substantif légèreté a été formé sur notre féminin légerte; léger a donné à la vieille langue légèrie: «Franceis sont mort par vostre légèrie». ([Chanson de] Roland, CXXIX).

   LÉGÈRETÉ. Nous disons légèreté de croyance (voir léger) pour naïveté à tout croire. On le disait en France avant nous: «Sur la légèreté d'une croyance si peu raisonnable, il renonce à une affection dont il était assuré». (CORNEILLE, [Mélite], «Examen de Mélite»).

   LENDROIT. C'est le même mot que endroit, avec l'article le agglutiné: le endroit. C'est ainsi que le endemain a fait lendemain. Nous disons aussi le lendroit, comme l'on dit à l'Académie le lendemain.

   LENVERS. C'est envers, avec l'article le agglutiné: le envers.

   LES. S'emploie pour désigner les membres d'une même famille: les Boudreau, les LeBlanc.

   LESSI. Subst. masc. Lessive. Du lessi. C'est du bon vieux français que l'on trouve épelé léxie, contraction normale de lixivia. Les savants en us, en remaniant les termes de la langue, ont écrit lessive, et ce latinisme a prévalu: «Avec un lavement / Qui soit fait de lessif de cendre de sarmant». (DU CANGE). Lessif doit se prononcer lessi. C'est notre mot.

   LESSIS. Essieu. Lessis a été formé sur assis, aissis ou essis, mot appartenant à la vieille langue, et encore en
usage au centre de la France: l'essis. On trouve plutôt axis, dans les vieux auteurs (d'où le mot anglais axle): «Li axis ront (rompt) le char renverse». (FROISSART, Poésies). Mais cet x est graphique et le mot chez le peuple, c'est-à-dire chez tout le monde sauf les scribes, se prononçait assis ou essis: «Ung assis de carette». (Rapporté par Godefroy). Du latin axis.
   «Les roues tournent en l'aisil (prononcé laissi)». (TEILLIER, XIIIe siècle).

   LESSIVEUSE. Buanderie où on lave à la lessive.

   LESSIVIÈRE. Femme qui lave à la lessive.

   LEVÉE. Nous avons, comme en France, des levées qui protègent les marais contre l'envahissement des marées. Celles de Minoudie, de Beaubassin, de Memramcook laissent dans l'ombre les levées de la Loire.
   Aux Îles-Madeleine, où il n'y a pas de levées proprement dites, on appelle de ce nom «le mouvement, le flux de la mer, qui soulève et brise la glace dans les baies et havres, au printemps». (CARBONNEAU).

   LÈVE-NEZ. Subst. masc. Un curieux, un indiscret, presque un espion: Méfie-toi de lui, c'est un lève-nez.

   LEVER. Nous disons comme le tailleur de M. Jourdain, dans le Bourgeois gentilhomme de Molière: «Lever un habit sur une pièce d'étoffe»; ce qui s'entend également à l'Académie, je crois. Mais nous disons aussi: lever un trésor, pour enlever un trésor enfoui, ce qui ne se dit qu'en Normandie. L'on croit énormément aux trésors enfouis, en Normandie, où il y a des leveux de trésors.
   Cela lève la paille est une locution qu'on entend en France aussi bien qu'en Acadie et qui signifie qu'une chose est de qualité tout à fait supérieure: C'est bon, ça lève la paille.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.