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MACHINERIE
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MAGANER

vient comme il a été dit, du latin masticare; macher, sans accent circonflexe, (avec un a bref, se prononçant comme dans cacher), semble provenir directement d'un radical celtique ou allemand.

   MACHINERIE. Rouages d'une machine. Nous tenons le mot de l'anglais machinery, même sens.

   MÂCHOUÈRE. Mâchoire. C'est l'antique manière de prononcer ce mot: «De la dislocation de la mâchouère». (Lanfranc, rapporté par La Curne [de Sainte-Palaye]).

   MÂCHOUILLER. Fréquentatif de mâcher.
   Même sens, à peu près, que mâchonner. Oscar Dunn définit le mot: «Mâcher en tournant et retournant, sans l'avaler, ce que l'on a dans la bouche».
   Nous disons aussi, avec les Canadiens: mâchiller.

   MACHURE. (A bref). Contusion, meurtrissure. Le vieux français avait machurer dans le même sens, sans accent grave sur l[e] a. (voir macher).

   MAÇOUNE. (Maçoune). Âtre, foyer: faire du feu dans la maçoune; veiller, quand il fait froid, autour de la maçoune.
   Se dit aussi pour maçonnerie, pour fondation en pierre d'une maison. Le mot s'entend dans ce sens en Anjou.

   MADOUESSE. Porc-épic.
   Madouesse ou madouèce est la forme française du mot malécite (tribu indienne de l'Acadie): madawes.
   M. l'Abbé Albert, (Histoire du Madawaska, [entre l'Acadie, le Québec et l'Amérique]) nous dit qu'en Sauvage [Malécite], le nom de la présente ville d'Edmundston, au N.-B., était Madouescag, signifiant terre du porc-épic.

   MADRÉ. C'est un jurement blanc, presque rose, en Acadie.
   MAFFLU. Mafflé [Mafflu est un mot de la langue standard tandis que mafflé n'existe pas], bouffi: «La voilà... grosse, mafflue et rebondie». (LA FONTAINE, [Fables], La Belette entrée dans un grenier).

   MAGANER. Maltraiter, malmener. Une idée de coups, de sévices, s'attache à ce mot, d'un emploi universel tant au Canada qu'en Acadie et dans toutes les parties de l'Amérique où l'on trouve des descendants de premiers colonisateurs. Cette universalité, ce ne varietur dans la forme, montre qu'il nous est arrivé de France dans sa toilette définitive.
   Comment se fait-il alors qu'on ne le trouve nulle part dans les écritures de France?
   Maganer a subi le sort d'un très grand nombre de vocables originaires de la Germanie: les scribes de France se sont trouvés, à cause de l'indigence de notre alphabet, dans l'impossibilité de le noter phoniquement.
   Car, pour le trouver dans la vieille langue française, on l'y trouve. Mais voyez ce à quoi il ressemble: «Faibles et vieux et mehaignez, / Par qui pains ne sont plus gaignez». (Roman de la Rose); «Lung adoucist, lautre mehaigne». (CHARTIER); «Le plus foible mehaigne». (Il maltraite le plus faible). (DESCHAMPS, vol. v, p. 211).
   Monstrelet écrit: «Tellement qu'ils tuèrent et mehaignèrent la plupart des dits archers»; / «Et maaingniez sui de mon corps». (VILLEHARDOUIN).
   Puis c'est Perceval: «Mehaignez estoit tout le corps».
   Ronsard (La Franciade, liv. IV): «Leur mère... / Fera bouillir leurs jambes, et ainsi / Tout mehaignez les doit jeter en Seine»; «Occitre et mahaigner les gens». (FROISSART).
   Cotgrave (XVIe siècle) s'y prend à cinq ou six reprises pour figurer ce mot proprement et n'y parvient pas. Il n'a trouvé sa forme définitive, maganer, qu'en Acadie et au Canada.
   Quand lui fera-t-on les honneurs du Dictionnaire de l'Académie?




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.