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MARS
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MATACHÉ

France également je crois, le marrain est constitué de tout bois, et n'est pas nécessairement «fendu en menues planches».
   Le vieux français avait mayran, marrein, merrein, marein. C'est ainsi qu'on trouve le mot épelé dans divers auteurs.
   Il y avait ce vieux dicton en France: Pour néant va au bois qui marrain ne cognoist.
   Nicolas Denys écrit marrain et non merrain.
   Merrain ne l'a remporté sur marrain à l'Académie qu'en 1762. Du bas latin materiamen ou materamen.

   MARS. Mois de l'année. Nous disons mar, comme on le disait dans l'ancienne langue, et comme le mot se prononce encore aujourd'hui dans le centre de la France. L[e] s final ne sonne pas: «Peuple sans nerf et sans ardeur que mars / N'enrole plus du rang de ses soldarts». (RONSARD, La Franciade, liv. I).
   Ici, mars rime avec soldarts. Nous disons soldart pour soldat, en Acadie.

   MARTE. Martre. Le second r tombe.

   MASCOBINA ou MASKO. Sorbier domestique: «Nom sauvage du Sorbus americana, le sorbier, que nous appelons, au Canada, le cormier». (CASGRAIN).

   MASKINONGÉ. Variété de brochet, qu'on trouve dans les lacs et les rivières du Canada. De l'algonquin muskélunge. Esoxestor?
   Par analogie, les Canadiens appellent quelquefois ce poisson masque allongé.

   MASSACRE. Grande quantité: Il y en avait un massacre. Ce mot n'est pas considéré comme élégant.

   MASSACRER. «Le curé a prêché et l'a massacré pas mal, dans l'église, l'a dénoncé sévèrement». (BARBEAU, Anecdotes [populaires du Ca-
nada, Journal of American Folklore, vol. 33, no 129, 1920]).

   MATACHÉ. Meurtri, bleui, tacheté: J'ai la peau toute matachée. L'expression est courante en Acadie. Je rencontre cette expression dans divers auteurs, mais elle était comme maganer en voie de formation; elle cherchait sa forme définitive.
   «Lors que nous disons que les Sauvages se matachient, cela veut dire qu'ils se barbouillent le visage». (LE CLERQ, Relation de la Gaspésie, p. 6).
   Le mot se rencontre fréquemment dans la relation des entreprises de l'Abbé Le Loutre et de ses Sauvages contre les Anglais, au Fort Beauséjour en 1755.
   L'expression, ou ce qui lui ressemble, signifiait autre chose que meurtri à ses origines: «Ils (les Sauvages) se servent de matachiez (les grains de rassade) qu'on leur porte de France». (CARTIER, 2e Voyage, 1535, note). J. C. Taché, haute autorité d'histoire du Canada, explique: «Les matachias sont des ceintures et colliers, ornements des Sauvages»; «Les femmes et les filles (des Sauvages micmacs) font des matachias avec des arêtes ou aiguillons de porc-épic, lesquelles elles teindent de couleur noire, blanche, vermeilles, aussi vives que possible». (LESCARBOT).
   À l'extrémité ouest du Canada, aux alentours du lac Huron, à quatre cents lieues des Micmacs de Lescarbot, le Père Sagard, missionnaire chez les Hurons (les Micmacs faisaient partie de la grande famille des Hurons) écrit ceci: «Il faut voir les femmes matachier et peinturer leurs robes». Et ceci encore: «Les Sauvages matachiez et parez de ce qu'ils ont de plus beaux et précieux». (304).
   Ce mot est-il d'origine sauvage ou française?
   Le fait que Cartier l'emploie en 1535, et ce qu'il en dit, semble lui donner une origine française. Brantôme ([Vies des hommes illustres et des grands capitaines, «Connestable de




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.