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MIROUER
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MIZOTTE

   Mirer avait tous ces emplois dans la vieille langue, et d'autres: «C'est pourquoi je suis miré et recogneu par dessus ceux de ma vocation». (PARÉ, Au lecteur); «Toutes les dames de la Cour se sont si bien mirées que paraissans parées à la mode». (BRANTÔME, [Vies des dames illustres], «Marguerite»).

   MIROUER. (Prononcé miroué). Miroir.
   Voici un mot qui nous vient de France, si jamais il y en eut. On le trouve dans la plupart des anciens auteurs: «Ivoirin miroer». (Roman de la Rose, v. 9274); «Le mirouer du mariage». (DESCHAMPS, Préface); «C'est le mirouer qui esclaire voz cueurs». (MARGUERITTE [DE VALOIS], Reine] de NAVARRE, Dernières Poésies); «Le miroué de l'ame». (GERSON); «Cestoit un beau mirouer». ([D']AUBIGNÉ, [Les Tragiques], «Misères»); «Et le mirouer d'une âme bien parfaite». (RONSARD, Les Mascarades, [combats et cartels]).

   MISÈRE et MISÉRE. On entend l'une et l'autre prononciation selon les localités, et parfois, selon les familles. L'Académie en 1740 hésitait encore entre misère et misére. C'est qu'en France, comme ici, les deux se disaient.
   Nous disons avec les Canadiens: J'ai bien de la misère à le croire; Il a eu de la misère à s'arracher du trou où il était tombé; Il a de la misère à se tenir debout.
   Pour parler comme on écrit dans les livres, il faut, au lieu de misère, dire: J'ai bien de la peine à croire; Il a eu du mal à s'arracher. En tout cas, les puristes condamnent l'emploi de misère dans ces phrases. Les raisons qu'ils en donnent ne me paraissent pas bien probantes. Mais ce sont eux, tout de même, qui dictent les lois. Il faut s'y soumettre.
   Manger de la misère, c'est être à la dèche; Faire des misères à quelqu'un, c'est lui susciter des embarras, le persécuter.
   MITAN. Milieu. Le mot milieu n'est jamais employé par les vieux Acadiens, quoique parfaitement compris: le mitan du parc; Coupez ce drap au mitan; au mitan de la foule.
   Ce terme nous vient de France, où il était autrefois universellement en usage. Je pourrais citer vingt exemples: «Il fut conduit par le Capitaine Sallines et Juilem Romero, estant au mitan de tous deux, et passa tout du long de la grand place ou estoit l'eschaffault, toute remplie de gens en bataille, au mitan desquels il passa». (BRANTÔME, [Vies des hommes illustres et des grands capitaines], «Le Comte d'Auguement»); «Le mitan de ce golfe (le Saint-Laurent) est au 48e degré de latitude». (CARTIER, 1er voyage, 1534).
   Le vieux français disait aussi mi-temps, pour temps intermédiaire.
   D'où vient ce mot? Si l'on pouvait remonter assez haut, l'on trouverait, probablement, que mi et medius ont le même radical.

   MITASSE. Sorte de guêtre, ou plutôt de jambière: «Mitasse est le nom donné par les Français à des espèces de bas sans pied, dont se servent les Sauvages de la Louisiane, et qui couvraient la cuisse et la jambe». (LE PAGE DU PRATZ, Histoire de la Louisiane).

   MITÉ. Rongé par les mites.

   MIZOTTE. Herbe sauvage fine, courte et drue, qui croît le long de certains rivages baignés par les hautes marées. Excellent fourrage.
   Littré (Supplément) définit la mizotte: «Herbe qui vient dans les marais inondés par la mer. Poa maritana»; «Icelui Guillaume, qui ce jour avait charié à l'ostel du suppliant, son maistre, du foing ou mizotte». (Rapporté par La Curne [de Sainte-Palaye]).
   Mezes, qu'on trouve dans Du Cange [et] luzette, qu'on entend en Anjou, sont possiblement des déformations de mizotte.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.