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MONSIEUR
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MOQUEUX

maux: Il ne faut pas faire manger ça au monde; C'est pas pour le monde, ça; Cette nourriture n'est pas bonne pour le monde, pour les humains; Habille-toi comme du monde; Il ne parle pas comme du monde.

   MONSIEUR. (Prononcé mécieu). Le titre de monsieur ne se donnait autrefois en Acadie qu'aux prêtres (missionnaires ou curés) et aux hauts fonctionnaires publics. Entre eux, les Acadiens s'appelaient de leur petit nom: Pierre, Jacques, André.
   Sur la côte nord du Saint-Laurent, extrémité méridionale du Labrador, un paresseux est un monsieur; un fou, un cochon, sont aussi des messieurs.
   Aujourd'hui, tout monte avec la démocratie, [ou] descend. Plusieurs s'offensent qu'on les appelle simplement monsieur; il faut qu'on dise ou écrive honorable monsieur, révérend monsieur, messire, monsignor, voire monseigneur, tout comme à un évêque ou à un prince de sang.
   Pourtant les Français disent: Monsieur le Président, en s'adressant au plus haut magistrat de la République. Louis XIV, très versé dans le protocole, disait Monsieur Bossuet, en s'adressant à l'évêque de Meaux. À l'Académie française, le Directeur s'adressant au récipiendaire lui dit toujours Monsieur, quel que soit son titre dans la hiérarchie civile ou religieuse. C'est, paraît-il, Colbert qui établit ce dernier usage en refusant Monseigneur, que le marquis Dangeau tenait à lui donner. Je passe Loubet donnant le titre de Monsieur à l'empereur de toutes les Russies.
   Saint-Julien (Mélanges historiques) prétend que le titre de monsieur était autrefois plus distingué que celui de monseigneur et aussi que celui de messire. Il avait même la préférence sur celui de sire. Quand on parlait au roi ou du roi, on disait: Monsieur le Roy.
   Le premier prince du sang s'appelait Monsieur, tout court. On traitait jusqu'aux saints de Monsieur: Monsieur saint Pierre. Pierre Corneille
substitue Monsieur à Monseigneur, dans Médée (acte II, scène III). Aujourd'hui, en Acadie, tout le monde, à l'exception de ceux que j'ai mentionnés plus haut, veut être appelé Monsieur.

   MONTAIN. Montagne. Les deux se disent. Les Anglais ont conservé mountain. Montain, du latin montanus, a donné montagne et montaigne, à cause de la nasalisation forte qu'on entendait, et qu'on entend encore, dans certaines provinces de France. Mais c'est le même mot. Il n'est pas nécessaire de recourir à l'adjectif fictif de montaneus pour trouver le radical de ces deux derniers vocables.
   Nous avons, au Nouveau-Brunswick, les montains de Chipoudie et, à la [en] Nouvelle-Écosse, celles de Menoudie.
   «Montainx, collines». (Ancien Théâtre français, IX, p. 195).
   On rencontre montain dans plusieurs anciens auteurs. C'est dans notre vieille langue que les Anglais ont pris ce mot.
   La ville de Boston, aux États-Unis, s'est d'abord appelé Trimontain ou Trimontaine, à cause des trois collines, Beacon, Copp et Fort, sur lesquelles elle est bâtie.

   MONTER. Monter sur ses grands chevaux, c'est le prendre de haut. Cette locution rappelle cette autre, qui avait cours dans l'ancienne langue: être monté comme un Saint George[s], c.-à-d., sur un excellent cheval; monter sur ses argots (ergots), c'est se rebiffer; monter une scie, mystifier; monter une pièce, l'établir sur le métier à tisser.

   MOQUE. Moquerie. On trouve moque dans Rabelais.

   MOQUEUX. Moqueur. C'est ainsi que l'on disait jadis, en France, et que l'on dit encore chez le peuple dans plusieurs départements. On trouve le mot dans la IXe Conférence et ailleurs.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.