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MORDRE
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MOT

   MORDRE. Se dit absolument du poisson qui prend l'hameçon. Si j'insère ici ce mot, c'est que je ne trouve pas franchement à l'Académie le sens que nous lui donnons: Ça mordait bien, avant midi, on a fait une belle pêche; Tire ta ligne, un maquereau a mordu.
   Alphonse Karr (Sous les Tilleuls) souligne le mot dans le passage suivant: «À la manière dont une plume est entraînée, on peut deviner quel est le poisson qui mord».

   MORDURE. Morsure. Formé régulièrement sur le verbe mordre, dont le participe passé est mordu.

   MORNÉ. Sorte de jurement blanc: morné chien, morné garçon.

   MORTE-CHARGE. Très lourde charge.

   MORTEL. Rude, violent: Il lui a donné un mortel coup de poing. On dit la même chose en France.

   MORTGAGE. Hypothèque. Voici un ancien mot français qui nous revient par voie d'Angleterre.
   Le mortgage anglais, devenu le nôtre, n'est pas tout à fait l'hypothèque du code civil de France et du pays de Québec.
   On trouve mort-gage, en deux mots, dans la vieille langue franco-normande.

   MORUE. Ce mot, dans la langue écrite, ne remonte pas plus haut que le XIIIe siècle. On n'en connaît pas le radical. Les vieux auteurs, tels qu'Oudin, H. Estienne disent indifféremment morue et molue. Jacques Cartier écrit molue; Champlain (1604), mellue; Lescarbot, morue. Denys, comme J. Cartier, écrit toujours molue. C'est le baccalaos des Basques.
   Nicolas Denys décrit comment on dépeçait la morue de son temps: «Le picqueu pousse la molue à son voisin; le décolleu lui arrache la tri-
paille... Dans une manne il met les foyes, et dans l'autre les rabbes, qui sont les oeufs de la molue».
   Il y a plusieurs espèces de morues sur les bancs et le long de nos côtes: la morue franche, la barbue, le hadec, la morue de roche, etc.
   Denys nous avertit que «la molue verte ou blanche, et la molue sèche ou merluche, n'est qu'une même espèce de poisson». Il mentionne aussi la «grande molue, qui s'appelle molue de gaffe», parce qu'il «y a besoin d'un homme et quelquefois deux pour la mettre en haut avec une gaffe». Je ne saurais dire si nos morutiers se servent toujours des mêmes procédés, et si la nomenclature de Nicolas Denys subsiste encore parmi eux.

   MORUTIER. Pêcheurs de morue: les morutiers de Terre-Neuve. On donne également le nom de morutier aux vaisseaux qui font la pêche à la morue.

   MORVASSON. Petit morveux, blanc-bec, petit polisson. On dit aussi morvaillon.

   MORVIAT. Morve épaisse.

   MOT. Avoir des mots avec quelqu'un, c'est avoir une dispute, une altercation: Ils ont eu des mots ensemble.
   Mot, avec le t sonore, signifie silence, chut! pas un mot comme dans ce vers de La Fontaine ([Fables], L'Âne et le Chien): «Point de réponse; mot»; ou dans cet autre de Baïf (Le Brave): «Mot! Mot! J'entends ouvrir la porte».
   Le t final sonnerait, ici, dans cette phrase que j'emprunte à Chateaubriand, Mém[oires] d'outre-tombe: «Je n'eus garde de parler d'autre chose. Des journées de juillet, de la chute d'un empire, de l'avenir de la monarchie, mot». Mot est mis ici pour motus, et ce sens particulier lui vient du latin. Le bas latin avait mutum et muttire.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.