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N

   N. Quatorzième lettre de l'alphabet. Se substitue quelquefois à r [dans ce cas-ci l et] à c, ou inversement. Ainsi nous disons caneçon pour caleçon, le cerne de la lune pour le cercle.
   Parfois [n] s'ajoute à une voyelle initiale: nonglée pour onglée, Nanette pour Annette.
   D'autres fois il se substitue à l dans les liaisons euphoniques: n'on pour l'on; n'on dit pour l'on dit.
   Cet n euphonique substitué à l mérite qu'on s'y arrête un peu. Cette substitution se fait depuis un temps immémorial. Elle persiste encore en France dans le parler dialectal, quoiqu'on en trouve peu d'exemples dans la langue écrite. Il s'en trouve toutefois. Marc Leclerc écrit des tranchées de Verdun, durant la Grande Guerre: «Le bon Guieu assis sûs n'un soleil»; «Ma femme était si tellement outrée qu'elle n'en faisait des sauts de colère». (JOSEPH L'HOPITAL, Monologues normands); «Il est déjà malade; peut-être qu'on n'en mourra». (BARBEAU, Chansons populaires du Canada). Cet extrait, pris de la IVe Conférence, donne l'inverse: «Nan la lomera» pour on la nommera.
   Mais c'est dans la langue parlée, surtout en Normandie, que l'on trouve ces substitutions en plus grand nombre: Quand no veut tuer son chien, no dit qu'il est enragé; À trop choisi no se trompe. (Proverbes). Ousque n'on va? Cette manière de dire s'entend également dans le centre de la France, d'où nous la tenons: «N'on n'y voit poit le Joan d'aux bois». (Patois du Poitou). Plus qu'on allait, plus qu'yen avait (Anjou). Le paysan canadien dit mantille pour lentille. ([Bulletin du] parler français [au Canada], sept. 1916). Dans l'ancienne langue, i est souvent suivi d'un n adventice: ain-
sin pour ainsi; il print pour il prit; emprinse pour emprise; «Nous congneusmes que ce sont gens qu'un (qui) seront fassiles à convertir». (CARTIER). Je ne trouve d'autre vestige de ces formes dans le parler des Acadiens, que dempuis pour depuis.
   [Dans les terminaisons nasales -in et  -an, le n final s'accompagne souvent d'un] g euphonique: baing, étang, lointaing, maling, mating, montaing, poing, etc.    «Elle alla aux baings de Liège». (BRANTÔME); «En juing». (VILLEHARDOUIN); «Je reving à ma nef». (JOINVILLE).
   Ce g euphonique est aussi vieux que la langue.
   On trouve ting pour tint; deveng pour devint, dans La Vie de s[aint] Léger, antérieure à la Chanson de Roland. Ne constate-t-on pas, de nos jours même, que pour beaucoup de paysans de France, M. Doumergue [le président de la République] est Monsieur le Présidaing?
   Cet n [la prononciation du ng] mignard, comme il est souvent appelé, s'est conservé dans un grand nombre de familles acadiennes. Mais il tend à disparaître, aujourd'hui que nous avons des écoles où le français est enseigné.
   Les Anglais ont conservé plusieurs de ces ng sonores dans les mots qu'ils nous ont pris.

   NAGAME. Filet dans lequel les mères indiennes portaient leurs enfants sur leur dos.

   NAGE (Être en). Certains étymologistes prétendent que être en nage devrait s'écrire être en âge, c.-à-d., en eau, du latin aqua. Nous prononçons ce mot avec un accent aigu [a bref], comme nager. Par contre,




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.