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NAVE
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NE

   NAVE. La nave de morue sert à faire une colle excellente.

   NAVEAU. Navet. La vieille langue avait nes, formé sur le latin napus. Navet aussi bien que naveau viennent de napetus, un diminutif.
   On trouve fréquemment naveau dans les vieux auteurs. Pantagruel nous parle d'une «venaison sallée aux naveaulx»; et ailleurs: «On l'eschauffa d'ung parfum de naveau». Rabelais va jusqu'à créer le mot râcle-naveau.
   «Manger du lart, poys, fèves ou naveaulx». (DESCHAMPS, vol. VI, p. 260).
   On trouve le mot dans le Mystère du Vieil Testament, dans Amyot, Marot, Cotgrave, etc. «Ils n'ont pas vaillant deux naveaux!» (COQUILLART, Monologue du Puys).
   Lescarbot nous parle de «racines grosses comme naveaux»; et le Père Sagard «De gros naveaux rouges et jaunes».
   Le mot s'entend en Normandie, en Picardie et dans presque toutes les provinces du nord de la France.

   NAVRER. Ce mot ne se dit plus guère, à l'Académie, que d'une blessure morale ou d'une grande plaie. Nous lui avons conservé sa signification antique de blessure, de douleur physique: Le froid me navre; Il est arrivé tout navré par la neige.
   H. de Mondeville dans sa Chirurgie le donne comme synonyme de vulnerare, blesser. C'est le sens qu'il a dans Orson de Beauvais. Il a celui de tuer dans le Mystère du Vieil Testament.
   C'est un mot d'origine teutonne.

   NE. Cette particule négative, comme l'appellent les grammairiens, suffisait seule jusqu'au XVIIe siècle à exprimer l'idée de négation. Elle n'a plus sa vigueur d'autrefois dans la langue académique.
   En Acadie et au Canada, son emploi est presque disparu.
   Le plus souvent, non, nenni aussi bien que ne disparaissent pour faire place à des substantifs exprimant des choses et des objets menus et qui se substituent aux véritables signes de négation. C'est ainsi que nous disons (avec nos cousins de France): J'irai pas; J'en veux point; j'y vois goutte.
   Quelquefois même, à cet objet menu s'en ajoute un second qui donne à la phrase un sens négatif plus intense encore: J'en veux pas une miette; J'en prendrai pas un brin, pas une graine. Ni pas ni non n'entrent dans ces phrases négatives. Ce pas, du latin passus, employé comme signe de négation, n'est rien autre chose que le pas que nous faisons en marchant; un mouvement de petite durée, une chose de petite longueur; et point (de ponction) est la plus petite dimension concevable. Il en est de même de grain, graine, miette, brin qui sont des objets menus.
   Les Latins de la basse latinité faisaient comme nous.
   Les grammairiens veulent que les négatives pas, point, etc., soient précédées de la particule ne. Étant la règle établie, c'est bien. Mais cela n'empêche pas que cette particule négative ne soit devenue comme une loque que la langue française traîne, pendue à son manteau. Dans les vers, elle est un encombrement. Les poètes peuvent s'en débarrasser lorsque la phrase est au mode interrogatif:    «L'amour sait-il pas l'art d'aiguiser les esprits?» (MOLIÈRE, [L']École des Femmes, III, 4); «Crois-tu pas en Dieu?» (MUSSET, Don Paez); «Viens-tu pas?» (HUGO, Hernani [ou L'Homme castillan]).
   Les poètes du Grand Siècle ne se seraient probablement pas permis cette infraction grave à la grammaire s'ils n'avaient eu pour les autoriser l'exemple de Vaugelas qui écrit: «Ont-ils pas fait?», pour n'ont-ils pas fait? Les exemples sont rares de la suppression de ne dans la vieille langue. On en trouve cependant: «La plus belle et la plus forte place que j'ai point en nul




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.