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O

   O. Le o latin, d'où le nôtre est sorti, se prononçait-il o par les Romains dans tous les mots? Ne se prononçait-il pas ou (u) dans certains cas?
   C'est qu'il donna tantôt o et tantôt ou à la langue française. Lorsqu'il est accentué, qu'il soit long ou bref, c'est ou qu'il donne, comme dans nos, pro, rota, qui font nous, pour, roue.
   Ces o et ces ou se sont mêlés dans la vieille langue et sont restés confondus jusqu'à ce que les artisans du Dictionnaire en aient fait le triage. Triage arbitraire, s'il en fut, et que, dans bien des cas, rien ne justifie. Presque toute la France chousait avant et même durant la première moitié du XVIIe siècle, c'est-à-dire, prononçait ou, la syllabe qui se prononce o aujourd'hui, comme poume, boune, houme pour pomme, bonne, homme. Nous chousons énormément en Acadie comme l'on fait encore d'ailleurs dans plusieurs provinces de France, mais, chose singulière, dans un nombre assez considérable de mots, nous mettons un o là où l'Académie met un ou, ce qui fait que, dans ces cas-là, ce n'est pas en Acadie, mais sous la Coupole que l'on chouse.
   Ainsi nous disons: aujord'hui, roller, formis, fornir, forbir, s'en retorner, tortière, etc., mots qui s'écrivent par ou depuis trois siècles en France.
   Dans plusieurs mots de la langue, le timbre de la voyelle o, en France, tend à se muer en a. Certains Parisiens prononcent encore, corps à peu près comme si ces mots étaient écrits encare, care. Nous donnons à o toute sa sonorité dans ces mots: «O est roons com li mons». (Sinéfiance de l'A B C).

   OBEL. L'obel d'un arbre en est la partie ligneuse, à l'exception du coeur
et de l'écorce: «Obel: The white popler tree». (COTGRAVE).

   OBLI. Oubli.
   Il semblerait que c'est nous qui devrions dire oubli et non le Dictionnaire, puisque nous prononçons chouse et les Parisiens chose: «Or te voil dire et conseiller. / Que l'amors metes en obli. / Dont ge te voi si afaibli». (R[oman] de la Rose, v. 3031); «Ce que hier au soir erreur mist en obly, / A ce matin Amour a souvenu». (G. C. Bucher, cité par Verrier [et Onillon]); «Qui bien aime a tard obli». (Vieux proverbe).
   On dit obli dans plusieurs départements du centre de la France, entre autres le long de la Moselle.

   OBLIER. Oublier. On trouve l'une et l'autre forme dans la vieille langue. Ronc[evaux], Saxe, [Roman de] la Rose, [Elie ou Vie de] Saint-Gilles, Partenop[eus de Blois], etc., ont oblier. «Êtes-vous obliez?» (Orson de Beauvais, v. 177).
   Oblier est resté dans le parler dialectal de plusieurs départements de France. On entend aussi obelier.
   L'Académie ayant préféré oublier à oblier, le premier des deux mots est resté français, tandis que l'autre n'est plus que du patois.

   OBTIENDRE. Obtenir.

   OCCUPER (S'). S'inquiéter, s'embarrasser. Le Dictionnaire de l'Académie ne donne pas ce sens au verbe s'occuper: Je ne m'occupe pas de ce qu'il dit, j'irai, c.-à-d., je n'attache pas d'importance à ce qu'il dit.
   Pour ce que je m'en occupe!
   Je ne m'occupe pas de lui: Je ne fais pas attention à lui, je me moque de ce qu'il peut penser de moi.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.