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OUAGAN
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OUELLE

ler acadien. Cette manière de prononcer s'appelait chouser dans l'ancienne langue, car on chousait éperdument à Paris au XVIe, voire au XVIIe siècle. On chouse encore aujourd'hui dans plusieurs départements, notamment en Normandie, le pays des bounes poumes.
   Par exemple, nous disons rousée pour rosée. Presque tous les écrivains de France l'ont dit avant nous, depuis l'auteur du Roman de la Rose au Xe siècle, jusqu'à Louis XIII au XVIe [siècle]. Jacques Cartier, dans son Épître à François 1er, écrit arrousée; Lescarbot nous parle de «la province que le fleuve arrouse».
   Citons au hasard: «Madame Ventine de Milan... prit un arrousoir pour sa devise». (BRANTÔME). H. Estienne écrit: «Courvées, proufit, etc., et observe que la province hésite entre ou et o. Toulouse s'est dit Tolose, tout d'abord, et, inversement, Bordeau, Bourdeau»; «On a dit houme, à Paris, jusqu'au XVIIe siècle». (BRUNOT).
   Sorel, dans son discours de réception à l'Académie française, nous assure qu'à la cour on prononçait autrefois: «Une femme grousse, une belle chouse, un foussé»; «Comme ils me routissoyent, je me recommandois à Dieu!» (RABELAIS).
   Je n'en finirais plus si je voulais citer tous les mots en ou, écrits o aujourd'hui, que j'ai recueillis dans les vieux auteurs.
   Dans un grand nombre de vocables, la lutte fut longue entre ou et o, et la victoire, longtemps incertaine. Ce sont les artisans du Dictionnaire de l'Académie qui en ont fait le partage, partage arbitraire en bien des cas.
   Chose assez curieuse, dans certains mots et des plus officiels, c'est à l'Académie que l'on chouse et non pas en Acadie. Nous disons, par exemple, jornée, ajorner, sorbriquet, forbir, etc., pour journée, ajourner, soubriquet [aujourd'hui, sobriquet], fourbir.
   Le son ou est plus doux que celui du o, même physiquement, à l'analyse: «Le son de ou, même très intense, ne
trouble pas la flamme, ce qui s'explique par le fait que cette voyelle est un son presque simple et pratiquement sans harmoniques». (SIMARD).

   OUAGAN. Nous prononçons ce mot à la manière anglaise: wagon [wegyn]. Les Français disent vagon.

   OUANANICHE. Saumon d'eau douce; le salmo salar qu'il ne faut pas confondre avec le touladi (voir ce mot). Mot d'origine sauvage. Niche est un diminutif dans la langue des Nascapis, tribu indienne des côtes nord du golfe Saint-Laurent.

   OUAOUARON. (Wawaron). Grosse grenouille verte; rainette; aussi appelée crapaud-cymbale. Le bull-frog des Anglais. La Hontan l'appelle grenouille meuglante. Du huron ouaraon, grenouille: «Les Hurons ont encore une autre espèce (de grenouille) qu'ils appellent ouraon». (SAGARD, 774).
   On les appelle, je crois, râle ou râlet en Berri.

   OUAROUARRI. (Warwarri). Tintamarre assourdissant.
   Renan écrit quelque part qu'en sanscrit varvara signifie bruit inintelligible. C'est presque la même onomatopée.

   OUAST. «La seule chose que j'ai pu découvrir sur ce mot, c'est qu'on l'employait dans la conversation comme terme de mépris. Le mot, paraît-il, est sauvage... En parlant, si le Sauvage ne croyait pas les choses qu'on lui racontait, il disait avec mépris: Ouast!, comme nous dirions: De la blague!». (HÉBERT, Inspect[eur] d'écoles au N.-B.)

   OUELLE. Voile se prononce ouelle (welle) en Acadie: mettre à la ouelle; baisser les ouelles. C'est le double v, double u en anglais, se substituant au v simple. Cette substitution est due à l'influence anglo-germanique.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.