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PLEURNICHARD
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PLUMER

mot en France puisque nous l'entendons dans le Berri, dans le Poitou et dans d'autres départements [provinces].
   C'est, apparemment, la plane du Dictionnaire, quoique l'Académie définisse le mot: «Outil tranchant et a deux poignées, dont les charrons, les tonneliers, etc., se servent pour aplanir, pour rendre lisse et uni le bois qu'ils emploient». Un tel instrument de travail s'appelle couteau-deux-manches en Acadie.

   PLEURNICHARD. Pleurnicheur.

   PLEYER ou PLAYER. Ployer, plier. Le verbe pleyer a son histoire. Heureux les mots qui n'en ont pas! D'abord son radical a été l'objet de quelques controverses avant qu'on soit tombé d'accord sur plicare. Ensuite, sa forme et sa prononciation, car pleyer, player, ployer, plier, c'est le même mot. Vaugelas nous apprend qu'on prononçait player, c.-à-d., pleyer, à la cour de Louis XIV. C'est ainsi que les Acadiens le prononcent. Mais pleyer remonte bien plus haut que Vaugelas (XVIIe siècle) dans la langue.
   Citons quelques exemples: «Ne ule cose non la povret (pouvait) omque pleier». (Cantique [Cantilène] de sainte Eulalie, Xe siècle); «Mes l'amors dont il est plaiez / Ne li aliege n'assoage». ([CHRÉTIEN DE TROYES], Cligès); «D'un trait certain me playant jusqu'à l'os, / De sa grandeur le sainct prestres m'ordonne...» (RONSARD. Amours, liv. I). Le Roman de la Rose (v. 18226), [Elie ou Vie de] Saint-Gilles, etc. ont pleier.
   Ployer est une prononciation livresque.
   Ensuite il y eut la manière de conjuguer ce verbe aux formes protéennes: «Le vieux français conjuguait, au présent de l'indicatif: Je plie, tu plies, il plie, nous ployons, vous ployez, ils plient. À la fin du Moyen Âge, la langue s'embarrassa de ces deux formes et créa deux séries de verbes plier et
ployer, prier et proyer, nier (neyer) ou noyer». (DARMESTETER, vol. III, p. 146).
   Nous avons conservé plier et pleyer.
   Puis il y a la signification. Le verbe pleyer (ou player) a, chez les Acadiens, tous les sens divers que l'Académie donne à ployer, sauf celui de plier. L'Académie dit: «Ployez votre serviette»; nous disons pliez votre serviette.
   Lorsque nous disons: Il a fini par pleyer; Il faut bien qu'il pleye; Je l'ai fait pleyer; nous donnons à ce verbe le sens qu'il a dans le Cantique [Cantilène] de sainte Eulalie, cité plus haut «Ne ule cose non la povret omque pleier» et aussi celui que lui donne Malherbe (Pour le roi) dans les vers suivants: «L'exemple de leur race à jamais abolie / Devoit sous ta merci les rebelles ployer».

   PLI. Levée au jeu de cartes. C'est un terme canadien qu'on entend au centre de la France: en Berri, au Poitou, etc. Nous disons levée.

   PLISSÉ. Au figuré, ridé: Elle a la peau toute plissée.

   PLOMBEUR. Plombier.
   Plombeur est un vieux mot français que les Anglais ont pris en France et que nous leur reprenons.
   On a dit aussi très anciennement, plommier, et plus tard, plombmier et
plommeur. Les Anglais ont conservé ce dernier terme.

   PLONGE. Plongée, plongeon: Il a fait une plonge dans l'eau.

   PLUMER. Proprement, arracher les plumes. Le mot a pris de l'extension ici aussi bien qu'en France dans le parler dialectal. Nous plumons un oignon, une pomme, des patates (peler). On trouve plumer une pomme dans René Bazin et plumer des chastaignes, dans Cotgrave.
   Nous disons: La peau du nez lui plume; «La sève... avait déjà rendu le




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.