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POUR
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POURCIE

noncé, comme aujourd'hui, pouvoir».
   Les Acadiens prononçent ce verbe à l'infinitif, comme il était épelé anciennement, ce qui fait que M. F. Genin se trompe, de toute évidence. D'ailleurs, il n'y a pas seulement le français qui a eu recours à un v pour écarter l'hiatus. De plucre, les Latins ont fait, non pas pluia, mais pluvia. D'où notre mot académique pleuvoir. Il en est de même de épouvanter, qui s'est dit époënter.
   À l'exception de l'infinitif pouoir, nous conjuguons ce verbe comme à l'Académie: je peux, je pouvais, je pourrai.
   Il reste de pooir, dans la conjugaison académique du verbe pouvoir, le participe passé pu: autant que j'ai pu.
   D'autre part, pendant que le verbe donne à l'Académie: que je puisse au subjonctif, il fait: que je peuve, avec un v, en Acadie. C'est de la haute irrégularité dans l'un et l'autre cas.
   Il n'y a pas de fin aux exemples que je pourrais citer de pooir pour pouvoir: «Plaindre poüms France dulce la bele». (Ch[anson] de Roland, stance 126); «Et de ço ne poez enplaider». (Lois de Guillaume [le Conquérant]); «Donroient plein pooir de faire toutes choses». (VILLEHARDOUIN); «Plusors le poient oïr, / Mais nulz d'els nes poet veir». (Roman de la Rose); «Moult volontiers s'il poïst estre. . . Et de plus grant pooir». ([CHRÉTIEN DE TROYES], Cligès); «Et si li donoit le pooir / Que vers le ciel poist veoir». (Dolopathos); «Ne poons avoir hoir». (La Fille du comte de Pontieu); «Je n'en avoie pooir de enyvrer». (JOINVILLE); «Mont volontiers s'il poïst estre». (Lancelot [du Lac]); «Par tantes foiz j'ai esté assailliz / Que je n'ai mais pooir de moi défendre». ([Roman du Chastelain de] Coucy, III); «Pour combattre poer contre poer». (FROISSART). Poer, ici, est un substantif .
   Formé sur le bas latin potere, latin classique posse, pouoir, autrement orthographié pouwoir, est devenu pouvoir, en changeant le son du w en v.
   C'est un des rares verbes dont la
conjugaison est irrégulière dans le parler des Acadiens: Je peux, je pouvais, je pourrai, que je peuve, peux-tu, pouoir.
   [«]Le 11 oct. 1918, à Paris, sur 352 aspirantes au brevet élémentaire à qui l'on demanda de conjuguer le verbe pouvoir au subjonctif, seules 219 connaissaient que tu puisses; sans doute les autres écrivaient-elles que tu peuves[»]. (BOULANGER ET THÉRIVE, Les Soirées du grammaire Club).

   POUR. Nous avons quelques locutions commençant par pour que je ne trouve pas à l'Académie.
   Pour bien faire, par exemple, avec le sens de raisonnablement, en vérité: Pour bien faire, vous devriez y aller. Proprement, la locution signifie pour faire bien, comme dans ce vers d'Aubigné ([Les Tragiques], «Misères»): «Pour bien faire craint tout, pour nuire, ne craint rien», mais nous ne l'entendons pas ainsi.
   On dit, en France aujourd'hui, pour dire vrai; nous disons pour dire le vrai: «Car, pour dire le vray, c'est un pays estrange»; «Mais pour dire le vray, je n'en ay la cervelle». (RÉGNIER, [Satires], 3e satire).

   POURCELAINE. Porcelaine. C'est ainsi que le mot s'est prononcé à la cour de France jusqu'au XVIIe siècle: «Faits de chapelets sauvages, à ce que nous appelons pourcelaine». (LESCARBOT).
   Pourcelaine est dans le P[ère] Sagard. [Le] Cotgrave donne pourcelaine et porcelaine. L'on dit pourceline en Normandie. «Un homme qui aurait reçu dans un vaisse de belle porceline quelque liqueur de grand prix». (FRANÇOIS DE SALES).

   POURCIE. Le dauphin vulgaire, espèce de gros poisson huileux, très rapproché du marsouin, dont il diffère, cependant par la bouche. La pourcie abonde dans la baie de Fundy.
   Jacques Cartier (1535) l'appelle




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.