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SARPENT
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SARVITEUR

   SARPENT. Subst. fém. Serpent. Le mot était originairement féminin. On trouve la serpent dans Tristan (I, p. 26).
   «La sarpent du vilain proia» (pria). (MARIE DE FRANCE); «Aussy saras-tu... damné comme une male serpo». (Pantagruel);    On trouve la serpent dans Eust. Deschamps (vol. III, p. 55).
   «Et mes sarpenz et mes couleuvres». (R[oman] de la Rose, v. 19019).

   SARSIFIS. Salsifis.
   La première forme de ce mot qu'on trouve dans les écritures est cercifi. La langue officielle a substitué l à r, et nous avons changé l[e] e en a. Cette réciprocité entre a et e, devant la liquide r, est très fréquente dans la langue.
   «Le cercifi, dont la graine, estant fort menue, ne peuton semer que trop espessement». (SERRES).

   SARVANT. Domestique. En Acadie, le sarvant est un serviteur, comme une sarvante est une domestique à gage.
   Vers le temps où le Médecin malgré lui de Molière mettait le coeur à droite, et disait, pour se justifier, que la médecine avait changé tout cela, les grammairiens rejetaient servant pour le remplacer par serviteur, terme plus élégant. Servante fut conservée, à cause de la difficulté qu'il y avait de trouver un féminin à serviteur.
   Servant est resté cependant dans la langue liturgique: un servant de messe. L'artillerie aussi l'a conservé: un pointeur servant. Il y a, dans l'ordre [souverain] de Malte, les frères servants, les chevaliers servants. L'on dit encore un gentilhomme servant. Lamartine a pu dire, sans trop offenser la langue académique, un servant d'amour, mais servant, avec le sens de domestique, ne s'emploie plus dans la langue écrite. On dit cependant encore, un frère servant pour un frère convers dans certains ordres religieux.
   «Ce m'est assez, en vous très bien
servant, / Si j'acquiers nom de fidèle servant». (DES PÉRIERS, À la reine Marguerite).
   Marot adresse une épître à la reine Margot pour solliciter d'elle une place de «petit servant».
   «Il entre à l'oustel et trouve touz ses servants et servantes instruits à la porte de la dame». (Les Quinze Joyes de mariage); «Vite, Babet, au lieu d'une servante, un servant vous aidera». (NIGOND, Sophie Arnould); «Nous retenons pour l'un de nos servans...». (ORLÉANS); «Je suis ta pauvre créature et ton pauvre servant, qui ai longtemps vécu icy dedans». (ARRAS, [Roman de] Mélusine); «Ses servants ou servantes». (LA TOUR); «Sa maison est par trop fournie / De servantes et de servans». (COQUILLART, [Les Droitz Nouveaulx], «De statu Hominum»). Eust. Deschamps intitule l'une de ses ballades: «Pour congnoistre les bons servans».

   SARVIABLE. Serviable. Nous donnons aussi à ce mot le sens d'usuel, dont on peut se servir, qu'il a dans la langue romane.

   SARVICE (De). Comme il faut, honnête: C'est un garçon bien de sarvice; une fille bien de sarvice; Ce n'est pas de sarvice; c'est bon à rien; hors de sarvice; qui ne peut plus servir.

   SARVIR. Servir. Couvrir, en parlant des animaux domestiques.

   SARVITEUR. Salut. Formule de salutation.
   En entrant, le visiteur disait, en faisant une légère salutation: Sarviteur! Exquise formule qui vaut mieux que le: Je suis votre très humble et très obéissant serviteur qui, autrefois, terminait hypocritement la plupart des lettres.
   C'est aussi une manière, quelque peu ironique, de signifier un refus: Vous m'offrez vingt louis pour mon cheval? — Sarviteur!




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.