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SI

Vous n'avez pas vu mes vaches dans le bois? — Si.
   On affirme avec oui; l'on contredit avec si. Si rend la contradiction plus polie.
   Il est à remarquer que l'emploi de si, si-si, si fait est inconnu au Canada et aussi, je crois, en Normandie et en Picardie .
   Au moyen âge on désignait les langues d'après le mot qui signifiait oui, la langue d'oïl, la langue d'oc et la langue de si. Celle-ci était l'italienne et la provençale: «L'us dis al autre: Si sera — Non sera. / — Si es. — Non es. — Si fo. — Non fo». (V. et VERT), L'un dit à l'autre: — Si, ce sera. — Ce ne sera pas. — Si, ça été. — Non, ça n'a pas été.
   On disait en vieux français: Si faz, si fais, si fait, si ferons, fo. Amyot, qui était de ... [sic] traduit ainsi un prologue ([Oeuvres] morales) de Plutarque: «Celle où les méchants n'ont point authorité de commander et les bons si».
   Nous disons: Si vous vouliez me donner à boire pour veuillez donner.
   C'est vers le XVIe siècle que si s'est substitué à oui dans les interrogations négatives à la cour de France.
   Si fait est une autre manière d'affirmer: Tu ne l'as pas vu? — Si fait; «Si fait, répliqua-t-il, c'est sérieux». (SAND, [Les] Maîtres sonneurs). Pourrait s'écrire: si fais.
   En Calvados (Normandie), l'on dit non fait par opposition à si fait.
   Sans si, sans nul sy se disait anciennement pour sans condition, sans aucun doute.
   On trouve sans si, dans le Mystère du Vieil Testament pour sans défaut. Nous n'avons pas conservé cette locution.
   Par contre, nous avons conservé de l'ancienne langue l'usage de faire suivre si par comme dans les phrases qui marquent un état de comparaison: Il n'est pas si bon comme vous pensez. Nous mettons un que, cependant, comme le prescrit l'Académie dans certains cas: Il n'a pas si bonne santé qu'il croit.
   Si comme appartient à l'ancienne langue. Celle-ci fourmille d'exemples où comme est mis à la place du que académique. On trouve si... comme sous la plume des meilleurs écrivains du Grand Siècle. Mme de Sévigné écrit à sa fille: «Il ne paraît pas que la paix soit si proche comme je vous l'avais mandé».
   Ceci à titre de curiosité: «Ge, Anseric, sires de Montréal, fais savoir à tous ces qui... verront ces lettres, que je ay vendu Hugon de Bourgogne mon chastel de Montréal, sans nul si». (Cité par Du Cange). Sans nul si signifie sans condition.

   SIAU. Seau. On disait comme nous, siau à la cour de France au XVIe siècle. On prononçait siau même au temps de Louis XIII: «Ne prononcez pas siau, comme les Parisiens». (BÈZE).
   On trouve ciau Nostre-Dame dans la Chirurgie de Mondeville.
   Au XVIe siècle, eau, escabeau, réseau, oiseau, moineau, panneau, beau, bateau se prononçaient chez le peuple, et même à Paris: oysiau, moyniau, iau, escabiau, résiau, panniau, biau, batiau, du moins les trouve-t-on ainsi écrits. Par contre, fabliau se disait fableau. La prononciation de tous ces mots était un peu flottante.
   Pour ce qui est de siau et de seau, Rabelais est à mi-chemin: «Mettez dedans ung seillau d'eau». (Pantagruel). D'autres auteurs contemporains écrivent comme Rabelais: «Ainsy qu'il advisait le seillau dans le puis». (MONTPEZAT). Le grammairien Peletier nous apprend qu'on disait siau en 1549.
   Un ivrogne, rapporte Tanbert, avait mis au dessus de sa porte cette inscription: «Mussis et otio», Aux Muses et au loisir. Un loustic écrivit au dessous: «La devise est inexacte, / Père Jean, qu'on la rétracte, / Car, pour y boire de l'iau, / Jamais tu ne vos au siau».
   Du Berri jusqu'en Picardie, le populaire de France, par qui les mots les plus authentiques de la langue ont




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.