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SIROUANNE
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SOLE

   SIROUANNE. Pourrait s'écrire sirouenne, comme famme qui s'orthographie femme. Signifie emplâtre.

   SITÔT COMME. Sitôt que, aussitôt que: «Li Soudans, si tost com il fu repairés vint à la dame». (La Fille du comte de Pontieu, XIIIe siècle).

   SOC. «Une demi-douzaine de lèche-frites, où rôtissaient des socs ou des cotelettes de porc». (CASGRAIN, [Légendes canadiennes et variétés, «Une excursion] à l'île aux Coudres»).

   SOINCER. Réprimander vertement: Il s'est fait soincer d'importance.

   SOLAGE. Maçonnerie sur laquelle repose un édifice; assises. Le solage d'une maison.
   On trouve le mot dans le parler dialectal de France, mais avec le sens de terrain, sol, terroir: «Le solage des pommiers». (JOSEPH L'HOPITAL). Montaigne l'emploie: «Comme une herbe transplantée en solage fort divers à sa condition». Radical: sola.
   S'est dit pour droit sur le sol ou au fond des terres dans la vieille langue.

   SOLDART. Soldat.
   Voici un mot du répertoire acadien qui, presque autant que coquemar, fait sourire superbement ceux de France ou du Canada qui l'entendent. Pourtant, il était très en usage chez les meilleurs écrivains du XVIe siècle et parmi la bourgeoisie du XVIIe siècle. En veut-on des preuves multiples? Desportes (Rodomont) fait rimer soldarts avec parts:
«À ces mots de Pluton on voit de toutes parts / Sortir du creux manoir les plus braves soldarts»; «Les mouches qui flottaient en guise de soldarts». (RÉGNIER, [Satires], «Satire Xe»).
   On trouve soudar (souldar) dans la Ve Conférence; Hindret enregistre le mot. Du Cange donne soldarius.
   L'emploi de ce terme est, on peut dire, universel au XVIe siècle: «Les soldars de l'ignorance». (RONSARD,
Odes, liv. I); «Mais le bal des neuf soeurs dont la verve nous baille / Plus d'ardeur qu'aux soldarts de vaincre à la bataille». (RONSARD, Préface de la Franciade); «Lances et darts / Branlez es mains des Argives soldarts». (Idem, [La] Franciade, liv. I).
   Amyot, et que d'autres, emploient le mot. On trouve soubdairs dans La Fille du comte de Pontieu. Ailleurs, même siècle, c'est soldaire. Wace écrit soldeir, d'où l'anglais soldier.
   Soldart est encore aujourd'hui un mot du peuple dans plusieurs départements de France. C'est le doublet de soldat. Un soldat est un homme à la solde. En laissant tomber l[e] l, le mot prend un sens péjoratif, soudart; avec l[e] l, soldat, c'est un mot de bonne compagnie, comme l'est aujourd'hui le mot poilu. Le suffixe -ard ou -art, presque toujours pris en mauvaise part, est d'origine germanique. Autrefois il se prenait en bonne part: «Ainsi toujours la Victoire / Mon Roy, sur tes estendars / Se puisse asseoir, et la gloire / Sur le front de tes soldars». (BELLEAU, Petites inventions).

   SOLE. Semelle. Une sole de soulier.
C'est semelle que nous disons le plus souvent, mais l'anglais sole a fait irruption dans notre vocabulaire.
   Sole appartient à la très vieille langue française, formé sur le latin sola pour solea. C'est là que les Anglais l'ont pris. En le reprenant d'eux, nous ne faisons que rentrer dans notre bien. Le provençal a conservé sola.
   Originairement la sole était la plante des pieds chez les animaux aussi bien que chez les humains. Puis, quand on s'est mis à porter des souliers, le sens a passé à celui de semelle. «Sole of a shoe. Semelle». (PALSGRAVE).
   Godefroy, qui recueille le mot, dit que c'est le dessous du sabot de certains animaux. Il définit soleola, petite sole ou semelle.
   On trouve dessolé avec la signification de sans semelle dans la vieille langue.




Source : POIRIER, Pascal. Le Glossaire acadien, édition critique établie par Pierre M. Gérin, Moncton, Éditions d'Acadie; Moncton, Centre d'études acadiennes, 1993, 500 p.